Mosquées turques chargées d’espionner en Belgique: les adeptes de Gülen cités dans le rapport belge de la Diyanet

La Diyanet (les affaires religieuses turques) en Belgique briefe les autorités turques en détail sur le fonctionnement et l’organisation des associations liées à Gülen installées en Belgique. C’est ce que révèle le « dossier de dénonciation » transféré à Ankara et consulté par nos confrères de Knack. Certains sympathisants de Gülen sont cités nommément.

Knack avait déjà écrit que les mosquées turques et les autres instances religieuses de différents pays, dont la Belgique, avaient reçu la demande d’Ankara d’envoyer des rapports détaillés sur le mouvement Gülen. La Diyanet en Belgique avait nié catégoriquement. La Diyanet est le directorat turc d’Affaires religieuses, mais possède aussi des départements à l’étranger, chargés entre autres des mosquées turques.

Un dossier consulté par Knack révèle que la Diyanet de Belgique a bel et bien envoyé des informations détaillées aux autorités turques. Le 26 septembre, un rapport a quitté la Belgique pour le Directorat des Affaires religieuses, département relations internationales, à Ankara. L’expéditeur était Adil Sahin, attaché temporaire aux affaires religieuses à l’ambassade religieuse et vice-président du conseil d’administration de Diyanet en Belgique. « En annexe », écrivait Sahin, « vous trouverez le rapport sur FETÖ/PDY. » FETÖ est le nom utilisé par l’état turc pour désigner le réseau de Fethullah Gülen et signifie Fethullaçi Terör Örgütü (Organisation terroriste de Fethullah) et PDY signifie Paralel Devlet Yapilanmasi (Structure d’état parallèle), soit l’accusation de la Turquie envers le réseau de monter une structure parallèle pour renverser l’ordre établi.

La référence de la lettre de Sahin mentionne qu’il s’agit d’une réponse à la question d’Halife Keskin, chef temporaire des relations internationales de Diyanet en Turquie. Une semaine plus tôt, celui-ci avait demandé des informations détaillées sur les réseaux Gülen à 28 pays.

Mention = suspicion de terrorisme

Huit pages du rapport belge décrivent les activités et les organisations du réseau Gülen en Belgique en détail. Tout semble très objectif et innocent, et beaucoup d’informations proviennent simplement des médias belges, mais vu le contexte turc actuel, l’ensemble peut être qualifié de très inquiétant. Les purges pratiquées par le gouvernement AKP depuis le coup d’État avorté du 15 juillet prouvent que toute personne liée de près ou de loin au réseau Gülen est considérée comme terroriste. Par conséquent, toutes les personnes mentionnées dans le rapport risquent d’être soupçonnées de terrorisme et arrêtées.

Le rapport mentionne au sujet du réseau Gülen que l’organisation « possède un fondement important et qu’elle a pu grandir sous les auspices de l’état belge et des membres ». Le capital provient d’hommes d’affaires, de commerçants et d’industriels liés au réseau de Gülen. « Ils organisent des repas iftar pendant le ramadan et recrutent des membres via plusieurs réunions. Nous notons toutefois que depuis le 15 juillet (le jour du coup d’État, NDLR) la population se détourne et que le soutien diminue, mais qu’il y a toujours des organisations, des écoles et des centres. » La chaire Fethullah Gülen à la KuLeuven pose particulièrement problème : le rapport le mentionne à plusieurs reprises.

« Regrets »

Le chapitre consacré aux écoles concerne surtout les collèges Lucerna au nord du pays et les succursales de l’École Des Etoiles du côté francophone. « Après le coup d’État avorté, de nombreuses familles turques ont retiré leurs enfants de ces écoles et beaucoup de gens qui ont fait un don ont témoigné leurs regrets… » Selon le rapport, ces écoles sont critiquées par la communauté turque, mais les professeurs d’islam sympathisants de Gülen sont également boycottés, lit-on dans le rapport.

Les quotidiens Zaman Benelux et Zaman Vandaag, décrits comme des journaux qui informent « aux dépens de la Turquie » et prennent pour cible « des politiques d’origine turque anti-FETÖ ».

En soi, il n’est pas nouveau qu’il y ait des informations détaillées sur le réseau Gülen. En revanche, il est plus récent que des mosquées soient utilisées à cet effet.

Ayfer Erkul