Anvers, le 22 juin dernier. Le roi Willem-Alexander et la reine Máxima des Pays-Bas reçus pendant trois jours par Philippe et Mathilde, dans le cadre d'une visite d'Etat de trois jours. Photo Robin Utrecht/ABACAPRESS.COM

Monarchies : comment Philippe a dépassé la popularité de la famille royale hollandaise

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Devenu roi il y a 10 ans, Philippe a acquis une légitimité qu’il n’avait pas en tant que prince héritier. Malgré le dégagisme ambiant, il garde la confiance nationale, alors que la popularité des Orange-Nassau a chuté.

Que de spéculations, avant son accession au trône, sur la capacité du prince Philippe à régner ! Certains observateurs se demandaient s’il aurait les compétences et le tact nécessaires pour exercer le métier de roi, surtout en période post-élections ou en cas d’impasse politique, moments où, en Belgique, le pouvoir du souverain s’accroît. Selon un sondage publié fin mai 2013, deux mois avant sa prestation de serment, un quart seulement des personnes interrogées considéraient que Philippe était prêt à assumer la fonction royale (21 % en Flandre). Pour 60 % des Belges, le roi Albert II devait rester à la barre, indiquait une autre enquête d’opinion sortie ce mois-là.  

Fin août 2013, soit quelques semaines après le début du règne de Philippe, son taux de confiance national s’élevait à 69 %, un bond de 18 % en trois mois. Près de six Flamands sur dix (59 %) déclaraient avoir confiance en lui, alors qu’ils étaient à peine plus de quatre sur dix (42 %) à exprimer cette opinion en juin 2013. En 2016, après 1 000 jours de règne, ce taux de confiance restait stable, à 69 %. La popularité du roi s’est érodée avec le temps (63,2 % en septembre 2017), mais il conserve néanmoins une image nettement plus positive que celle qu’il avait avant de succéder à son père. Il garde la confiance du pays, malgré l’usure du « pouvoir » et un dégagisme politique ambiant nourri par la révolte récurrente contre les élites et les privilèges.

Courbes de popularité inverses

Aux Pays-Bas, en revanche, l’image de la maison d’Orange-Nassau s’est écornée au cours du temps. Lors de l’investiture du roi Willem-Alexander, fin avril 2013, 80 % des Néerlandais se déclaraient favorables à la monarchie. Aujourd’hui, la confiance placée dans le souverain de 55 ans est tombée à 46 % des personnes interrogées, selon la dernière enquête Ipsos-NOS. Un Néerlandais sur quatre souhaite désormais que l’institution royale soit remplacée par une république.

Les faux pas des Orange-Nassau

Ce désamour est en partie lié à une succession de faux pas de la monarchie néerlandaise en pleine pandémie. En octobre 2020, alors que les Pays-Bas ont décrété un confinement partiel, le couple royal part en vacances en Grèce. Il est contraint de faire demi-tour, suite au tollé suscité par ce séjour sur les réseaux sociaux. En décembre 2021, la famille royale exprime des regrets pour avoir invité, à la fête organisée pour les 18 ans de la princesse héritière Amalia, 21 personnes, bien au-delà de ce que préconisaient les mesures sanitaires.

Le salaire problématique d’Amalia

Six mois plus tôt est apparu un autre point de crispation : la dotation de 25 000 euros par mois prévue pour la princesse d’Orange à sa majorité, alors qu’elle poursuit des études et assume peu d’engagements officiels. Embarrassée, Amalia a écrit une lettre manuscrite au Premier ministre néerlandais Mark Rutte, le 11 juin 2021, pour faire part de sa volonté de renoncer à ce salaire auquel elle avait droit.

Le modèle n’est plus le même

« En 2013, le porte-parole du Palais, à Bruxelles, enviait son homologue néerlandais », sourit l’historien Vincent Dujardin (UCLouvain), spécialiste de la monarchie. Et pour cause : à l’époque, les Orange-Nassau apparaissent, aux yeux de nombreux commentateurs belges, comme une monarchie moderne, populaire et décontractée. Le souverain n’intervient pas dans les négociations pour la formation du gouvernement, ce qui, en Belgique, reste la principale prérogative royale, et la liste civile néerlandaise est moins élevée que celle du roi des Belges. « Il y a dix ans, la presse flamande, Het Laatste Nieuws en tête, présentait Willem-Alexander et son épouse Maxima comme des modèles à suivre pour notre royauté, relève l’historien. Aujourd’hui, c’est la situation inverse : la presse néerlandaise cite en modèle la monarchie belge ! »

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