Christine Laurent

Mirages et tremblements

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Une îlliade à la droite, une îllade à la gauche, Di Rupo Ier affûte sa tactique pour trouver, sans trop de dégâts apparents, pas moins de 3,7 milliards d’économies. Une fois de plus, le gouvernement va nous faire les poches. Pour les ténors du fédéral, c’est encore l’heure des affrontements, des déclarations enflammées, des coups de gueule. Au coeur des débats, entre autres, le saut d’index. Délicat, explosif. Surtout pour le PS. Qui doute encore que Laurette Onkelinx joue les Jeanne d’Arc avant tout pour le protéger des colères de la FGTB ? A gauche, avec l’arrivée du PTB, ça craint, en effet.

Essorés par les désillusions, nous ne sommes, toutefois, pas dupes. Non, il n’y a pas de recette miracle susceptible de provoquer un effet Viagra sur l’économie. Point de Viagra, encore moins de miracle ; la vérité toute crue, c’est que les caisses sont vides. Serrage de ceinture, c’est tout ce que le gouvernement peut nous proposer. En ces temps troublés, seuls les politiques les plus courageux avouent ne pouvoir qu’obéir aux injonctions d’une crise annoncée pour au moins dix ans. Une éternité. Et pourtant. Contracter la dette publique tout en évitant le matraquage fiscal, quel exercice ! Or, bien que magicien roué, Di Rupo n’a plus guère de sortilèges au bout de sa baguette. Alors, il multiplie les artifices budgétaires. Viser bas, tout en prétendant haut. Et surtout, surtout, ne prendre aucun risque. Avec De Wever en embuscade, et le Voka pour lui servir de chausse-pied, le gouvernement n’y survivrait pas. Alors, il trottine cahin-caha pour durer jusqu’en 2014.

« L’Etat ne peut pas tout », avait crânement énoncé, en 2002, Lionel Jospin en pleine campagne présidentielle française. Il sera retoqué par les électeurs, tant la vérité n’est pas bonne à dire et encore moins bonne à entendre. C’est que nous voilà bien fragiles et incertains. « Consommez et jouissez, on verra plus tard », nous a-t-on seriné pendant des lustres. Au moment de l’addition, impossible de payer cash. Les lignes de crédit sont coupées, les traites sur l’avenir aussi, la croissance est en berne, les usines ferment faute de commandes, le taux de chômage enfle. La faute à qui ? A nous tous sans doute qui avons voulu croire aux mirages ; le réveil n’en est que plus douloureux. Finis les lendemains qui chantent. Nous voilà bien obligés d’encaisser le ralentissement de l’économie avec pour conséquence inévitable de renoncer à de nombreux privilèges. On peut toujours confondre le souhaitable et le probable, mais à quoi bon ? Désormais, la râpe à fromage ne suffit plus. On devine qu’il faudra bien un jour aller plus loin, tailler dans la chair et ça fera très mal.

La consommation pour unique solution à la relance est un leurre. Il faut regarder plus haut, bien plus haut. Tout est à réformer et à transformer : les retraites, les niches fiscales, la fonction publique, les institutions, l’enseignement, les avantages de toutes natures… Sans parler des investissements indispensables pour l’innovation, la recherche, la compétitivité. Aujourd’hui, on est loin, bien loin du compte. Or seul cet horizon est porteur d’espoirs et tout particulièrement pour nos enfants. Alors, quand il s’agit d’eux, de leur futur, on accepte les sacrifices, sans hésiter. Ne sont-ils pas en première ligne pour subir les conséquences de tout ce gaspillage, notre gaspillage ? Eux qui n’avaient rien demandé.

Christine Laurent

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