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Menace terroriste : la Belgique doit investir d’urgence dans les renseignements

Le monde politique doit investir beaucoup plus dans les renseignements et dans la lutte contre le financement du terrorisme, ressort-il d’un rapport publié jeudi par l’Institut Egmont et intitulé « Counterrorism in Belgium: Key challenges and policy options ». Selon les rapporteurs, cet investissement est « très urgent ».

De « sérieux signaux d’alerte », avec le démantèlement un an plus tôt de la cellule djihadiste de Verviers, prédisaient les attentats de Paris et de Bruxelles. « Lorsque les suspects ont été jugés début 2016, le procureur fédéral a décrit les plans de la cellule de Verviers comme un ‘projet en vue des attentats de Bruxelles’. Deux ans plus tôt, en mai 2014, quatre personnes ont été tuées au Musée juif de Belgique par un citoyen français qui venait de revenir en Europe après avoir combattu auprès des rebelles islamistes en Syrie. C’était censé être le premier attentat commis par un soi-disant ‘returnee’ en Europe, illustrant un nouveau type de menace. Même si les services de renseignement avaient anticipé un tel scénario depuis plus d’un an, les autorités n’ont pas été capables de prévenir l’attaque », explique Thomas Renard, de l’institut Egmont, en introduction du document.

Sans nier les manquements dans la stratégie anti-terroriste en Belgique, Thomas Renard pointe le manque de nuance dans les critiques qui ont fusé de toutes parts après les attentats de Bruxelles qui ont fait 32 morts et plus de 300 blessés. « Oui la Belgique est institutionnellement complexe, mais beaucoup d’autres États complexes sur le plan fédéral sont confrontés au terrorisme. Cette complexité est un challenge en lui-même, mais n’explique pas tous les problèmes. Oui, certains quartiers comme Molenbeek ont été marginalisés socialement et économiquement, mais en quoi est-ce différent d’autres quartiers en Europe et ailleurs? Oui, les services de sécurité ont souffert d’un manque chronique d’investissements depuis des années, mais la même chose peut être observée ailleurs en Europe, particulièrement après la crise financière de 2008 », explique le chercheur qui souligne l’urgence « d’identifier les problèmes de la stratégie anti-terroriste en Belgique, afin d’élaborer une réponse plus efficace ».

Le rapport identifie plusieurs points clés sur lesquels travailler et qui pourraient guider le développement futur de la lutte anti-terroriste.

L’efficacité de cette lutte devrait ainsi être constamment évaluée. Si plusieurs instruments, lois et institutions – des mesures prises par le politique dans l’urgence selon la logique du « populisme pénal » dans le but premier de rassurer après la forte médiatisation des attaques, source d’anxiété pour toute la population – ont été approuvés ces derniers mois, ceux-ci doivent être étroitement surveillés pour s’assurer que la lutte contre le terrorisme va dans le bon sens.

L’approche de la lutte antiterroriste doit également être modifiée, pour passer d’une approche réactive et répressive à une approche préventive, trop sous-estimée. « Il faut repenser à quel moment on passe d’une approche préventive, centrée sur les services de renseignements à une approche répressive, centrée sur le monde judiciaire, voir où on met le curseur entre les deux », commente Thomas Renard. Il faut développer davantage de mesures proactives, en ce compris une politique plus communautaire et davantage coordonnée sur le terrain (abordant notamment la fusion des six zones de police), des actions concentrées sur la déradicalisation au niveau local, la lutte contre le trafic d’armes et un financement plus important de la lutte antiterroriste. Sur ce dernier point, le document souligne que, malgré le sous-financement, de nouvelles tâches et missions résultant des décisions nationales et internationales sont apparues.

La lutte contre le financement du terrorisme est encore un point clé à prendre davantage en considération en Belgique, grâce à une approche stratégique et, à nouveau, plus de coordination entre les différents services, et ce malgré les restrictions budgétaires. Le rapport souligne la nécessité d’identifier les principaux risques de financement du terrorisme en évaluant constamment la menace au niveau national mais également de mener, aussi systématiquement que possible, des enquêtes sur le plan financier sur des individus ou des entités qui ont déjà été identifiés comme à risque. Tous les règlements internationaux et européens liés au financement de la lutte contre le terrorisme, telles que la quatrième Directive de la Commission européenne, doivent par ailleurs être rapidement mis en oeuvre.

Enfin, l’approche judiciaire doit également être reconsidérée. En Belgique, contrairement à plusieurs pays voisins, la plupart des dossiers terroristes sont trop rapidement confiés au monde judiciaire, ce qui a des conséquences sur la manière dont les enquêtes sont menées ainsi que sur le type d’informations collectées, et ce qui entraîne également une surcharge de travail pour les magistrats et policiers, ralentissant par là même l’enquête. Il est soutenu dans ce rapport que les services de sécurité et les acteurs locaux pourraient jouer un rôle plus important dans la prévention du terrorisme, avant la transmission d’informations aux autorités judiciaires.

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