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L’opération survie du CDH

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

En déclin, le parti entame un grand chantier pour revivifier son projet. Mais il s’agit surtout d’éviter le centre mou, de stopper la dérive communautariste et… d’exister. Tout simplement.

Le chantier initié par Benoît Lutgen débute ce samedi 28 mars à Marche-en-Famenne. Baptisé « Tomorrow lab », il a dû être renommé d’urgence après la plainte d’une société ayant protégé le nom. Nom de code, désormais : « Tes idées peuvent changer le monde ! » « Ce sera un laboratoire, un bouillonnement, défend le président du CDH. Le but, c’est d’ouvrir le parti. Ce n’est pas en restant entre nos quatre murs que notre créativité va exploser. » Pour certains observateurs, il s’agit surtout d’une opération de survie, destinée à redynamiser un parti en lent déclin depuis la transformation, il y a treize ans, du PSC en CDH. « La création du CDH, en 2002, fut la période la plus enthousiasmante, il y avait alors de l’irrévérence par rapport au passé, mais cela n’a pas porté ses fruits au niveau des résultats, confirme un vieux briscard. Aujourd’hui, j’ai davantage de questionnement sur le projet. »

« Les espoirs placés dans le centre et l’humanisme démocratique n’ont pas été rencontrés, confirme Pascal Delwit, politologue à l’ULB. Avec 13,97 % en Wallonie et une délégation réduite à neuf sièges à la Chambre, le CDH est 2,86 % en dessous du résultat de 1999, jugé alors dramatique. Bref, le niveau le plus bas de son histoire. Si j’étais président de ce parti, je serais très inquiet. »

Le constat irrite Benoît Lutgen. « Il y a plus de dix ans, quand j’étais secrétaire général, Pascal Delwit m’avait déjà dit que le CDH allait mourir. Je lui ai dit que j’y croyais encore. C’est vrai que notre spécificité est plus difficile à comprendre. Ecolo, c’est la nature, les libéraux le monde économique et le PS tout ce qui est social. Mais nous avons des spécificités fortes et une histoire importante, celle de la démocratie chrétienne, du personnalisme chrétien devenu humanisme… C’est moins clivant, moins identifiant, je peux être d’accord là-dessus, mais dire que le centre n’est pas une identité politique, c’est intellectuellement faux. Par ailleurs, si l’on regarde nos scores, je constate que le CDH reste assez stable, avec une légère baisse ces dernières années. Nous sommes, en outre, redevenus le premier parti dans la Province du Luxembourg, ce qui n’était pas acquis après les claques de 1999 et 2003, et une dynamique se met en place en Province de Namur. Et nous représentons bien plus de 20% aux élections locales. »

Bref, il y aurait de l’espoir d’autant qu’en un an, insiste-t-on au parti, le CDH a recruté 1 154 nouveaux membres, tandis que le dernier baromètre de La Libre le situait à 14,3% en Wallonie, son meilleur score depuis trois ans.

Mais le style de Benoît Lutgen, ultra-méfiant des médias, en voie de dérive autoritaire, commence à générer une forme de malaise. « Il a précipité l’élection présidentielle afin que personne ne se présente contre lui, clame une ténor du parti. Et il a veillé à nourrir tous ceux qui auraient pu lui faire concurrence : Joëlle Milquet et Maxime Prévot ont reçu de vastes portefeuilles, Catherine Fonck est devenu cheffe de file de l’opposition fédérale et Melchior Wathelet est dégoûté. » Le prochain départ de la politique, irrémédiable, de l’ancien secrétaire d’Etat fédéral illustrera à suffisance ce malaise interne. « C’est Joëlle qui l’a tué et Benoît n’a pas bougé », grince un proche de Wathelet.

Le dossier, dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :

  • « Notre rôle n’est pas très clair »
  • « La configuration au fédéral est difficile pour nous »
  • Lutgen : « Si j’avais eu la capacité de faire autre chose, je l’aurais fait. Mais c’était impossible »
  • « L’espace au centre n’a jamais été aussi large »
  • C’est quoi le centre ?

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