François Jacob, 2020. C de l'artiste. © François Jacob, 2020. C de l'artiste.

L’oeuvre de la semaine: une couleur pour le dire

Guy Gilsoul Journaliste

Le choix, parfois dû au hasard, d’un outil, d’un support ou d’un pigment particulier conduit la main du peintre et induit une réflexion sur la nature des choses et de soi. Ainsi François Jacob quand, un jour, dans un magasin de couleurs, il fut attiré par le nom de l’une d’entre elles :  » caput mortuum « .

On peut imaginer l’artiste, à l’abri des regards, étalant avec son doigt un peu de ce pigment brun violacé qui sur le blanc d’un papier, s’enrichit d’une pâleur étrange. Comme un corps sans vie. Il ignore alors tout de l’histoire de cette teinte qui tire son origine de la lointaine et fascinante pratique de l’alchimie et désigne le résidu sec qui reste dans la cornue, une fois l’esprit de la matière libéré par la distillation.

Or, on sait combien, dans ces expériences des anciens chimistes, les transformations visant à obtenir l’or est tout autant un travail sur la matière que sur la psyché. En fallait-il davantage pour attiser la curiosité mais aussi la réflexion du créateur bruxellois et faire de cette couleur, l’alliée d’une profonde introspection qui, le conduisit, comme tant d’autres peintres dans l’Histoire, à rejoindre la thématique du Temps. Une temporalité qui, peu à peu et inexorablement, fait pâlir les éclats de la vie. D’où, ces fleurs progressivement absorbées par le blanc dans des variations de ce « caput mortuum » dont les artisans de la Renaissance, apprendra-t-il en outre, se servaient pour polir les lentilles et les miroirs. Quels symboles !

Ainsi, dans les siècles passés, comme aujourd’hui, dans l’atelier du peintre, ce pigment serait donc aussi utilisé pour mieux voir et pour mieux déjouer les pièges du narcissisme ? Mais, en construisant cette composition, François Jacob aurait pu multiplier les signaux iconographiques et les figer dans un réalisme précis. Or, on voit ici combien, la peinture vit aussi d’un souffle qui balaie l’espace, efface et en même temps fait vivre les pétales. On ne peut alors qu’en revenir au récit de la mythologie grecque et à Flore, dont le destin est lié à Zéphyr le dieu du vent dont le royaume se trouve en des lieux où se lève l’étoile du soir, où le soleil éteint ses derniers feux… Mais aussi un dieu qui offrira à la mortelle si belle, l’immortalité d’une déesse.

Bruxelles, Rossi Contemporary, Rivoli Building, 169 chaussée de Waterloo. Jusqu’au 30 avril. Du mardi au vendredi de 13h à 17h, samedi de 14h à 18h. Site : rossicontemporary.be

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