Inauguration de la Grande Mosquée de Bruxelles par le roi Khaled d'Arabie saoudite et le roi Baudouin en mai 1978. Un des jalons de l'implantation de l'islamisme en Belgique. © belgaimage

L’islamisme, une idéologie sans frontières

Un rapport de l’institut Montaigne pointe discrètement le désintérêt de notre pays pour la manifestation non violente de l’islamisme.

L’Institut Montaigne est un think tank français présidé par l’homme d’affaires Claude Bébéar (Axa) qui, après avoir été proche de Nicolas Sarkozy, a soutenu Emmanuel Macron lors de la présidentielle de 2017. Son dernier opus dirigé par le géographe et essayiste Hakim El Karoui était très attendu. Intitulé La Fabrique de l’islamisme, il décrit les mouvements transnationaux (wahhabisme saoudien, Frères musulmans et islam turco-nationaliste) qui ont implanté en Europe un  » projet global  » visant à régenter tous les aspects de la vie des musulmans, soit en les séparant des non-musulmans (wahhabisme), soit en exaltant leur identité via la politique ou le tissu associatif (frèrisme), soit en cultivant leur lien exclusif avec la mère-patrie turque, l’influence iranienne étant définitivement cataloguée comme mineure.

Avec ses 600 pages, ce rapport prend le temps d’aller dans les détails, tout en restant très lisible. Sur l’organisation des Frères musulmans en Europe, il donne des noms de responsables et d’organisations (malheureusement, pas pour la Belgique). La description du wahhabisme s’appuie sur les 122 000 documents  » fuités  » des Affaires étrangères saoudiennes, les Saudi Leaks. La présentation de 275 fatwas wahhabites permet de plonger au coeur d’un dispositif normatif foncièrement inégalitaire. Enfin, une analyse poussée des données Twitter et Facebook mesure l’hégémonie de ce discours dans l’espace numérique francophone (1,2 million de comptes).

L’institut Montaigne émet quelques recommandations pour la France : création d’une institution chargée d’organiser et de financer le culte musulman sur fonds propres par un prélèvement sur le halal, mobilisation diplomatique pour agir sur les sources extérieures du salafisme et promotion d’un discours alternatif. Car si le courant est minoritaire en France (28 % des 4,5 millions de musulmans de plus de 15 ans), il est relativement peu combattu par les 72 % restants.  » Il ne se passera rien si les musulmans silencieux majoritaires ne se mobilisent pas, prévient El Karoui. Si les non-islamistes laissent leur religion aux islamistes, ils auront une part de responsabilité dans la dégradation de la situation.  »

La Fabrique de l’islamisme consacre aussi plusieurs dizaines de pages à la Belgique, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Le chiffre de 7 % de musulmans en Belgique (780 000 en 2016), principalement d’origine marocaine, est jugé crédible par les auteurs du rapport. L’implantation de l’islamisme est jalonné de quelques dates fatidiques, avec une inflexion sur Molenbeek. 1964 : des Frères musulmans créent à Bruxelles l’Union internationale des étudiants musulmans. 1969 : l’Arabie saoudite reçoit le Pavillon oriental du parc du Cinquantenaire et y installe le Centre islamique et culturel de Belgique. 1974 : le mouvement Tabligh essaime à partir de la mosquée Al Nour de Schaerbeek… L’institut Montaigne relève que, dans notre petit pays empreint de communautarisme, les analyses se focalisent plutôt sur la violence liée à l’islam, en désertant le terrain de l’idéologie non djihadiste, ses secrets de fabrication et sa transmission.

La Fabrique de l’islamisme (pages 543 à 560 pour la Belgique) : www.institutmontaigne.org.

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