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L’irrésistible ascension des drones

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Criminalité, incendie, gestion des forêts, marketing : la technologie des drones fascine autant qu’elle inquiète. Alors que la Belgique finalise son cadre légal, les entorses au respect à la vie privée planent au-dessus de nos têtes.

Ils ont le pouvoir de vous épier, de repérer des fauteurs de troubles ou de transcender le tournage d’un James Bond. Depuis quelques années, les drones – de l’anglais « faux bourdon » – connaissent un succès fulgurant. Surveillance policière, monitoring agricole, industriel, publicité… Cette technologie, réservée à de rares opérations il y a cinq ans, arrive aujourd’hui à maturité dans d’innombrables secteurs d’activité. Tant et si bien que la Commission européenne mise sur la création de 150 000 emplois nouveaux d’ici à 2050. Le marché mondial, dont le potentiel actuel se chiffre à 4 milliards d’euros, pourrait dépasser les 9 milliards en 2023 selon une étude de marché de Teal Group.

En Belgique, les ventes de mini quadrirotors à usage civil sont en constante progression, tandis que divers projets de recherche et développement voient le jour. Le ministre wallon de l’Economie, Jean-Claude Marcourt (PS), l’a souligné en commission le 7 octobre : la technologie pourrait même intégrer prochainement le pôle de compétitivité Skywin, qui accompagne le secteur aérospatial.

Et pourtant : l’utilisation de drones, à des fins privées ou commerciales, reste à ce jour strictement illégale en Belgique, hormis sur un terrain d’aéromodélisme. Seules les autorités militaires ou policières sont habilitées à y avoir recours pour des missions de surveillance, sous conditions et sous les contraintes d’une loi « Caméras » inadaptée à la révolution des aéronefs capables de filmer. L’Etat fédéral promet un arrêté royal depuis des mois pour encadrer l’usage de drones. Il en est toujours au stade des consultations, même si l’on en connaît les grandes lignes : les vols à portée visuelle ne seront tolérés qu’à une hauteur maximale de 60 mètres, en dehors des villes et des espaces aériens contrôlés. La Direction générale du transport aérien (DGTA) devra par ailleurs disposer d’un dossier technique et allouer un numéro d’immatriculation pour chaque drone. De son côté, l’utilisateur devra disposer d’une licence de « télépilote ».

Mais l’engouement du gadget, associé à d’importantes retombées financières, incite certains entrepreneurs à enfreindre d’ores et déjà les règles, partiellement ou en totalité. D’où la naissance progressive d’un véritable marché noir, y compris en Wallonie. « Pour le moment, j’évite d’en faire la publicité, confie l’un d’entre eux. Je suis en rapport constant avec la DGTA et mes drones sont enregistrés. La plupart du temps, je demande des dérogations informelles pour effectuer mes prestations. Mais il m’arrive de travailler sans autorisation lorsque les clients sont pressés. » Parmi eux, des infographistes, des architectes, des producteurs de films ou des grandes entreprises soucieuses de booster leur image de marque dans les airs. Même dans l’illégalité, le carnet de commandes est bien rempli.

Le dossier, dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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