François-Xavier Druet

Les politiciens sont-ils vraiment toujours aux aguets?

François-Xavier Druet Docteur en Philosophie et Lettres

Souvent, l’imagerie populaire a tendance à représenter le politicien – ou la politicienne – comme un homme – ou une femme – d’action. Réactif. Le premier sur la balle. Toujours aux aguets.

Nombre de politiques cherchent à entretenir ce label en se précipitant sur les lieux de tel ou tel évènement, dramatique ou non. Comme si le déplacement rapide était synonyme d’action. Et peut-être les faits, tragiques ou non, fournissent-ils au même ou à d’autres l’occasion d’annoncer, dans l’urgence et sans s’assurer assez de leur faisabilité, une kyrielle de mesures destinées à garantir, aux yeux du peuple, le « Plus jamais ça ».

Parce que l’action, même factice, est plus visible, voire plus spectaculaire, que l’inaction, l’opinion publique s’intéresse moins à ces opérateurs politiques dont la tactique repose sur la lenteur et que j’appellerai, pour faire simple, les « gars lents ». Le propos se veut général ; toute ressemblance avec des personnes ou évènement existants ou ayant existé relèverait du hasard.

Un président de parti a sans doute appris, comme tout le monde, que tel mandataire de « chez lui » est suspecté de malversations diverses, de prises d’intérêts ou de quelque autre prévarication. Ledit président se transforme sur-le-champ en gars lent : il ne dit rien sauf si on l’interroge, il invoque la présomption d’innocence et sa confiance en la justice, il demande à tous la même patience que la sienne. En attendant des nouvelles ou des jours meilleurs, que fait-il pour contribuer au bien commun ? Rien.

Un autre président dont le parti est impliqué dans plusieurs niveaux de pouvoir se trouve face à une échéance: un accord est absolument nécessaire dans des délais fixés. Il rallie le clan des gars lents. Il s’arrange pour qu’à un niveau ou l’autre les préaccords successifs soient empêchés d’être finalisés. Ses atermoiements font que l’échéance approche. Il compte sur elle comme moyen de chantage en vue d’obtenir un accord plus favorable. En tirant l’affaire en longueur, que fait-il dans le sens du bien commun ? Rien.

Un chef de gouvernement apprend qu’un membre de son équipe s’est compromis dans des festivités liées à des personnes ou à des faits entachés par un extrémisme antidémocratique. Il rentre aussitôt dans son cocon de gars lent. Il fait comme si de rien n’était. Il détourne l’attention rappelant des précédents antédiluviens, en référence à la maxime censée être sensée : « Les autres le font bien. » Il compte sur l’usure du temps pour que l’injustifiable s’autojustifie presque naturellement. Et pour le bien commun, que fait-il ? Rien.

Les gars lents, qui coïncident parfois avec tout un gouvernement, dans certaines circonstances précises, virent leur cuti et se précipitent.

Un premier ministre constate qu’un de ses vassaux a enfreint la loi dans l’exercice de sa fonction. Aussitôt le gars lent freine des quatre fers. Il laisse pisser le mérinos. Quand, après des tergiversations en tous genres, il ouvre la bouche pour commenter, c’est pour appeler un chat un chien et l’illégalité une imprudence de bonne foi. Il laisse faire et courir… Pourquoi, dès lors, se mettre en mouvement quand un parti de son gouvernement torpille par la bande un accord pourtant approuvé par le gouvernement ? Il faut attendre de voir si, peut-être, la bonne foi des intentions révèle des coeurs généreux, soucieux du bien commun.

L’étonnant, c’est que le mouvement peut s’inverser. Les gars lents, qui coïncident parfois avec tout un gouvernement, dans certaines circonstances précises, virent leur cuti et se précipitent. Pour démembrer l’instrument contre la fraude fiscale mis en place par la législature précédente, pour monter en épingle un glissement fiscal sans remarquer que son financement n’est pas du tout bouclé, etc. Ils déconcertent, ces gens qui se donnent un long temps de réflexion quand il faudrait réagir vite et qui brusquent l’action au moment où il faudrait bien réfléchir. Piteux opportunisme qui passe à côté des occasions en croyant les saisir.

Sans doute est-ce l’apprentissage le plus ardu : la gestion du temps politique. Trouver la mesure entre la réaction immédiate, mais provoquée par l’effervescence du moment, et l’immobilisme dilatoire, mais parfois utile pour prendre des positions raisonnables.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire