Médecin calculette
Doctor working in hospital use calculator, Healthcare and medical concept, stethoscope with clipboard, selective focus © Getty

Les médecins belges perçoivent 91 millions d’euros de revenus complémentaires

Le Vif

En quatre ans, les professionnels de santé belges ont perçu près de 91 millions d’euros au total de la part de l’industrie pharmaceutique et de technologie médicale. Cette somme a été répartie entre 26 350 médecins, infirmiers, pharmaciens et autres prestataires de soins de santé. C’est ce qui ressort de l’étude OpenPharma réalisée par Knack, De Tijd, Le Soir et Médor basée sur les données du registre de la transparence.

Le site betransparent.be permet de vérifier le montant versé par l’industrie pharmaceutique aux médecins. Depuis 2017, les entreprises de l’industrie pharmaceutique et les fabricants de dispositifs médicaux sont obligés d’inscrire le nombre de primes et d’avantages accordés au secteur de la santé dans ce registre de transparence.

A en croire notre confrère de Knack, les médecins (et autres prestataires de soins de santé) peuvent recevoir deux types de financement. Les entreprises peuvent les indemniser pour leur travail de consultant, notamment pour les conférences et les conseils consultatifs. Mais les entreprises pharmaceutiques et de medtech (technologie médicale) peuvent également couvrir les coûts des réunions scientifiques, par exemple en prenant en charge les frais d’inscription, de voyage et d’hébergement des médecins. Il n’est pas question de voyages exotiques aux frais de la princesse – cette époque-là est révolue.

La loi sur les médicaments et la plateforme déontologique Mdeon, qui gère également le registre de transparence, impose un certain nombre de règles. Ainsi, il faut qu’il s’agisse de conférences scientifiques et l’indemnisation ne peut couvrir que la durée du congrès.

Il existe également un code éthique de l’Ordre des médecins. « Le médecin place les intérêts du patient et de la société au-dessus de ses propres intérêts financiers », indique le document. « Il ne vend, ne loue ni ne promeut des aides médicales ou des produits de santé ».

91 millions d’euros

L’analyse des données du registre de transparence réalisée par Knack révèle que les médecins et prestataires de soins belges ont reçu un total de près de 91 millions d’euros en paiements pharmaceutiques entre 2017 et 2020. Près de la moitié de cette somme a été consacrée à la consultance, l’autre moitié à des réunions scientifiques.

Ces 91 millions euros sont une sous-estimation vu que plus de 2 000 médecins ont reçu un financement du secteur pharmaceutique via leurs entreprises. Ces derniers n’ont même pas été comptés dans la somme totale.

91 millions d’euros répartis sur 26 350 personnes : cela représente à peine 70 euros par personne et par mois. Cela peut sembler négligeable. Mais ce n’est pas le cas, car les différences entre les prestataires de soins de santé sont importantes. Très  importantes.

Selon l’information de Knack, les vingt médecins qui ont reçu les plus grosses sommes d’argent de l’industrie en quatre ans représentent ensemble plus de 7,4 millions d’euros d’argent pharmaceutique. Chaque individu représente entre 218 000 et 769 000 euros. Dans la plupart des cas, ces sommes viennent s’ajouter aux revenus de leur travail à l’hôpital.

Un chirurgien dermatologue a reçu près de 650 000 euros en quatre ans de la part d’un fabricant de botox. La majeure partie de cet argent était constituée d’honoraires de conseil. Le médecin, qui apparaît également dans une vidéo de la même firme, rappelle qu’il exerce cette profession depuis plus de trente ans. « Un de mes fils est avocat dans un cabinet américain. Là, ce sont d’autres tarifs horaires. »

L’homme a son propre cabinet, où il reçoit des patients pendant la semaine. « C’est mon activité principale. Mais le soir, le week-end et durant les vacances – pendant que d’autres vont à la mer, pêchent ou jouent au football – je voyage partout dans le monde pour expliquer comment éviter les complications. Et c’est payé par l’entreprise. Je ne fais pas la publicité des produits, je montre comment ils évitent les problèmes. J’utilise moi-même des produits de cette société ainsi que d’autres sociétés. Mais au fond, cela n’a aucune importance, car ils ne sont pas remboursés par les compagnies d’assurance maladie », raconte-t-il à Knack.

Quels spécialistes perçoivent le plus de revenus complémentaires ?

L’enquête révèle que ce sont les rhumatologues, les oncologues et les chirurgiens orthopédiques qui ont perçu le financement le plus élevé en quatre ans – respectivement près de 12 000 euros, plus de 10 000 euros et un peu moins de 9 000 euros par personne. Les gastro-entérologues et les chirurgiens ne sont pas mal lotis non plus : le financement moyen en quatre ans s’élevait respectivement à 8500 et 7700 euros.

En fin de compte, la hauteur des montants n’est pas importante. Ce qui compte, c’est que les conflits d’intérêts soient correctement dévoilés. Les médecins doivent divulguer leurs relations avec l’industrie pharmaceutique lorsqu’ils rédigent des articles scientifiques, donnent des conférences ou siègent dans des conseils consultatifs officiels du gouvernement.

Preuves tangibles de comportement inapproprié

Une autre question cruciale est de savoir si les médecins reçoivent des honoraires de conseil sans aucune prestation réelle. Cette information ne peut être déduite du Registre de transparence.

Dans le cadre de l’enquête journalistique internationale Implant Files, des chirurgiens ont témoigné anonymement en 2018 dans Knack, De Tijd et Le Soir au sujet de collègues ayant reçu des avantages de la part de sociétés d’implants pour utiliser leurs produits dans leurs opérations. Cependant, ce ne n’est pas une sinécure de prouver une telle faute professionnelle. Après cette série d’articles, l’agence de médicaments AFMPS a ouvert une enquête, mais elle semble infructueuse à ce jour.

Malheureusement, le manque d’éléments concrets et de preuves a conduit au classement de l’affaire », répond l’AFMPS. « Si les professionnels de la santé qui ont dénoncé certaines pratiques sont prêts à témoigner et à présenter des preuves tangibles de comportements inappropriés, nous pourrons évidemment rouvrir ce dossier. »

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