Christine Laurent

Les jeux sont faits

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Clap de fin. Le jovial shooté à la chaleur humaine, l’affreux jojo (trop) souvent aviné qu’Elio Di Rupo évitait précautionneusement lors des cocktails, « l’extraverti conciliant » (que nous décrivions dans notre édition de la semaine dernière), le « roi sauleye » est mort. Stupeur, mais bien peu de tremblements.

Comme il se doit, le souffle à peine éteint, il reçoit son concert de louanges. Oubliés les scandales à répétition, les frasques du « socialiste à la Porsche » ! Evanouies les critiques acerbes, les mines dédaigneuses à l’égard d’un politique « populiste ». Ceux sur lesquels s’est penchée l’ombre de la Faucheuse ne sont-ils pas transfigurés ? Les cimetières ne sont-ils pas peuplés de héros ? « Papa » est sanctifié. « Papa » ? Le diable en personne pour les nouveaux promus champions de la bonne gouvernance qui règnent sur la vie politique d’aujourd’hui, tant il traînait derrière lui un sillage empreint de soufre, de mystère et de points d’interrogation. Un homme complexe, à éclats et éclipses, un mélange hybride de sensibilité et de cynisme, opaque et transparent, secret et exhibitionniste, roué et pragmatique, faux tendre au sourire bon enfant mais aux colères redoutables. Une bête politique qui faisait des voix. Une véritable cash machine qui a permis au PS de conquérir les précieux sièges qui ont fait la différence avec le MR, le grand rival. Où donc s’éparpilleront tous ces électeurs en juin 2014, quand il faudra voter à la fois pour les législatives, les régionales et les européennes ? Bien malin celui qui peut répondre aujourd’hui. Les voies de la séduction sont multiples et celles de l’ex-réviseur d’entreprises, particulièrement méandreuses. Mais socialiste et liégeois, tel était son credo. Et c’est bien dans la Cité ardente qu’il avait tissé sa toile, se faufilant dans tous les interstices, traversant toutes les époques, frôlant parfois même l’abîme sans jamais tomber. Ce surdoué de la finance avait su, au fil du temps, faire main basse sur le maillage économique régional qu’il maîtrisait à la perfection. Un comble, quand on sait qu’il n’aimait pas l’argent.

Oui, mais… Tout passe, tout lasse. La nouvelle génération voulait, elle aussi, croquer du pouvoir. Depuis 2005, le chef de clan a dû lâcher du lest devant la fronde qui, sourdement mais sûrement, le poussait hors de la piste. Sans effusion de sang, même si le César ansois, quand il a été chassé de sa chère commune par Stéphane Moreau, a dénoncé alors dans Le Vif/L’Express la main « assassine » de Brutus. Des histoires de familles à rebondissements comme seule la Principauté peut en produire avec ses baronnies et ses sous-baronnies implantées en Haute-Meuse, Basse-Meuse et sur les plateaux. Dans le Stratego de l’après-Daerden, Willy Demeyer, Stéphane Moreau et Alain Mathot, magnanimes, épargneront, dit-on, Frédéric, le fils solidaire de son père. Qui en doute encore ? La vie politique à Liège est un roman. De gare parfois, d’aventures sûrement. Pour initiés toutefois. Prochain chapitre, les communales d’octobre. Mais, avis aux citoyens, dans les coulisses, les jeux sont faits !

CHRISTINE LAURENT


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