Bert Bultinck

Les Flamands n’ont pas besoin des francophones pour patauger dans le marais politique

Bert Bultinck Rédacteur en chef de Knack

Il a fallu quatre bons mois pour former le gouvernement. « Il n’y a pas si longtemps, nous pensions que c’était du jamais vu, même pour un gouvernement belge », écrivait ce week-end le politologue anversois Dave Sinardet.

C’est vrai. Pour ceux qui trouvent que « les deux démocraties » en Belgique sont à l’origine de tous les problèmes – des déficits budgétaires aux records de lenteur politique – cette formation de gouvernement hésitante et difficile fait réfléchir. Les Flamands n’ont pas besoin des francophones pour patauger dans le marais politique. C’est un des effets inattendus d’une plus grande autonomie flamande : elle incite à la modestie.

On ne peut pas dire que le nouvel accord de coalition soit très modeste. « La Flandre est forte », dit-on. L’équipe du ministre-président Jan Jambon souligne la recherche de l’excellence, et pas seulement dans l’éducation. C’est une bonne chose : la Flandre doit aller de l’avant, et le dur labeur n’est pas une malédiction. La Flandre doit devenir  » une référence incontestée  » dans l’Europe des années 2020, selon Jambon. Mais dans certains domaines plus que d’autres.

Le bonus emploi n’est pas bon marché, mais c’est bonne mesure. Cette réduction des charges pour les revenus les plus faibles permettra à un plus grand nombre de personnes de trouver un emploi et de réduire le piège du chômage. Mesurer les acquis de l’apprentissage sur la base de « tests standardisés » dans l’éducation est également un pas en avant. Les écoles et les enseignants doivent être jugés sur les progrès réalisés par tous leurs élèves, même s’ils commencent à un niveau bas. Et donc pas seulement sur le nombre d’enfants de la classe moyenne supérieure blanche qu’ils ont réussi à attirer. Des droits d’enregistrement moins élevés, des places de garde supplémentaires, un réseau 5G, 10.000 hectares de forêt et même un musée de l’histoire et de la culture flamande : tout dépend en grande partie de la manière dont tout cela est concrétisé, mais ce ne sont pas de mauvaises idées.

Quand il s’agit d’intégrer les nouveaux arrivants, nous ne voulons pas être un pays guide. L’accord de coalition flamand tente de s’emparer de la question de la migration, même si tous les leviers importants à cet égard se trouvent au niveau fédéral. Cela conduit à des décisions crispées. Par exemple, il est tout à fait stupide, voire malveillant, de demander aux nouveaux arrivants indigents 360 euros pour un programme d’intégration obligatoire. Hendrik Bogaert, politicien du CD&V, qui n’est pas exactement le membre le plus à gauche de son parti, a déclaré vendredi à l’émission De afspraak que cela tend au harcèlement. Pourquoi Wouter Beke n’a-t-il pas empêché cette mesure? Et nous n’avons même pas encore parlé de la phrase suivante :  » Nous ne subventionnons plus les organisations qui encouragent la ségrégation « . Curieux de voir qui en décidera. Épingler des groupes entiers de la population – les Berbères, par exemple – à cause de caractéristiques présumées (« fermées ») relèverait-il de « promotion de la ségrégation » ?

En ce qui concerne les mesures écologiques, l’accord de coalition est carrément triste. Jambon a vendu le chapitre sur « l’environnement, le climat et l’énergie » comme un bénéfice, mais il est en fait peu ambitieux et décevant. Une réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 80 % d’ici 2050 est nettement inférieure à la cible. Ainsi, nous ne deviendrons pas une référence, et encore moins une référence incontestée.

Enfin, il reste à voir dans quelle mesure l’équipe Jambon sera efficace. Même si les négociateurs se sont montrés joyeux lundi, une chose est claire : il n’y a pas d’excédent de confiance dans cette équipe, qui poursuit les querelles entre les gouvernements suédois au cours des cinq dernières années. L’accord de coalition compte 300 pages, et ce n’est pas uniquement parce que les défis sont grands. Il est d’autant plus épais que les accords ont été formulés de la manière la plus complète possible. Afin d’éviter un maximum d’ennuis par la suite.

Compte tenu de la crise d’identité où se débattent tous les partenaires de la coalition, nul ne sait s’ils réussiront. Au sein de la N-VA, la question est de savoir à quel point ils doivent se rapprocher du Vlaams Belang. Au sein du CD&V, la question est de savoir dans quelle mesure ils doivent se déplacer vers la N-VA. Et l’Open VLD devra se démarquer si le parti ne veut pas perdre à nouveau dans cinq ans. C’est clair qu’il y aura foule à droite.

En fin de compte, il se pourrait bien que le gouvernement flamand se heurte violemment au gouvernement fédéral. Surtout s’il s’agit d’autres partis : l’arc-en-ciel a toujours les meilleures cartes fédérales. Ce n’est bon pour personne : les chamailleries fédérales flamandes sont un gaspillage d’énergie. Tom Van Grieken pourrait bien en profiter en 2024.

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