Le professeur marseillais Didier Raoult, lors de la visite du président français Emmanuel Macron dans son institut, le 9 avril. © AFP

Les experts de l’UCLouvain vous répondent: « Nous utilisons la chloroquine, mais… »

Le Vif

Jean Cyr Yombi, spécialiste en maladies infectieuses et chef de clinique aux Cliniques universitaires Saint-Luc, dit attendre les résultats des études cliniques avant d’élargir son utilisation en ambulatoire. Et démonte quelques idées reçues au sujet de la maladie.

Le Vif/L’Express relaie les interrogations de ses lecteurs auprès des experts de l’UCLouvain. Voici une série de questions relatives à la situation sanitaire.

Les réponses sont de Jean Cyr Yombi, spécialiste en médecine interne et maladies infectieuses. Il est professeur à la Faculté de médecine et médecine dentaire, attaché à l’Institut de recherche expérimentale et clinique (IREC). Il est chef de clinique aux Cliniques universitaires Saint-Luc.

Je suis Brésilienne et je suis beaucoup ce qui se passe là-bas. Pour le moment, on ne parle que de ‘hydroxychloroquine’ au Brésil pour le traitement du covid 19. Y a-t-il eu des tests concluants avec ce médicament en Belgique?

Pour rappel, la chloroquine (CQ) est un vieux médicament qui a été longtemps utilisé pour le traitement et la prévention de la malaria. Il a aussi été utilisé pour traiter des maladies auto-immune comme le lupus entre autres. Pour réduire sa toxicité, on a fabriqué l’hydroxychloroquine (moins toxique) pour traiter les maladies auto-immunes (inflammation), y compris chez la femme enceinte. Chloroquine et hydroxychloroquine ont une activité in vitro (en laboratoire) sur le Sars-cov-2, virus qui cause le COVID-19. L’hydroxychloroquine est devenue célèbre depuis les travaux du Professeur Raoult qui a montré une diminution de la quantité de virus chez des malades (80 patients) qui avaient été traités par le virus et cette diminution était encore plus importante si on ajoutait un antibiotique, l’azithromycine. Là aussi, les malades allaient mieux. Cependant, les critiques scientifiques reprochent au Pr Raoult le fait qu’il n’y avait pas, dans son étude, de contrôle avec des personnes qui n’avaient pas pris le médicament. On ne pouvait donc pas exclure le fait du hasard. Il faut ajouter qu’une petite étude (62 malades) menée en Chine a comparé 32 malades qui prenaient de l’hydroxychloroquine avec 32 malades qui n’en prenaient pas. Cette étude montrait un bénéfice chez ceux qui prenaient le médicament. Toutefois, la critique ici portait sur le nombre beaucoup trop réduit de malades. Toujours est-il que de nombreuses études avec beaucoup de malades sont en cours partout dans le monde pour dire, définitivement, si oui ou non l’hydroxychloroquine est vraiment efficace. En Belgique, nous n’avons pas fait de test particulier, mais nous participons aux études en cours (nationales et internationales). Dans la pratique quotidienne, nous prescrivons aux malades atteints d’une pneumonie et qui sont hospitalisés de l’hydroxychloroquine. Nous les surveillons et nous assurons qu’ils n’ont pas de contre-indication à recevoir l’hydroxychloroquine (QTc long). D’autres études sont en cours en Belgique afin de décider si on pourrait le donner sous surveillance en ambulatoire (quand le patient n’est pas hospitalisé).

J’aimerais savoir quels sont les médicaments essayés en Belgique pour lutter contre l’inflammation causée par le virus. Ici un lien avec diverses pistes essayée à l’étranger : https://www.livescience.com/coronavirus-covid-19-treatments.html

Ce sont les mêmes médicaments que ceux qui sont mentionnés ci-dessus : l’hydroxychloroquine, avec ou sans azithromycine, Lopinavir/ritonavir (anti-VIH), remdesevir, interferons, cortisone. Tous ces médicaments sont étudiés dans le cadre de nombreuses études.

Avec le beau temps, la température va augmenter, on va vers le printemps, les moustiques font leur apparition, ils commencent à embêter les gens, sont-ils un vecteur de transmission?

À ma connaissance, les moustiques ne transmettent pas la maladie. Il faut rappeler que la transmission se fait au travers des gouttelettes respiratoires. En fait il y a deux types de gouttelettes : celles (fines) qui sont projetées (aérosols), raison pour laquelle il faut garder une distance d’1,5 m entre les personnes ; et celles (grosses) qui vont se déposer sur les surfaces que l’on touche. Il faut donc impérativement se laver souvent les mains.

Y a-t-il un lien entre la quantité de virus absorbée (par contamination) et la virulence de la maladie?

Habituellement, dans les infections respiratoires, il y a une relation entre la quantité de virus et la sévérité des symptômes. Ceci a par exemple été démontré avec la grippe. Cela semble aussi être le cas avec le Sars-cov (2002) et Mers-cov (2012), mais pas pour le Sars-Cov-2 responsable du Covid-19. Une petite étude chinoise (petit nombre de patients) a semblé montrer que ceux qui avaient une grande quantité de virus dans le nez avaient présenté des symptômes sévères. Ceci n’a toutefois pas été confirmé par d’autres chercheurs chinois et même italiens (grand nombre de patients) : ils n’ont en effet pas retrouvé un lien entre une grande quantité de virus et la sévérité du Covid-19. Ce qui est par contre sûr, c’est que plus vous excrétez une grande quantité de virus, plus vous êtes contagieux et ceci, que vous ayez beaucoup ou peu de symptômes.

Pendant combien de temps une personne asymptomatique reste-t-elle contagieuse?

Avant de répondre à la durée de contagiosité, Il est important de préciser des termes :

  • Un patient asymptomatique : malade mais pas de symptômes
  • Un patient présymptomatique : n’a pas encore développé les symptômes mais va le faire dans les 2 ou 3 jours qui viennent
  • Un patient paucisymptomatique : présente peu de symptômes
  • Un patient symptomatique : présente des symptômes

Les patients présymptomatiques (majorité des transmissions) et paucisymptomatiques voire symptomatiques sont ceux qui transmettent le plus le virus. Les patients asymptomatiques transmettent probablement aussi mais contribuent très peu au nombre d’infections.

Ceci dit, on n’a pas étudié de façon large, chez des asymptomatiques, combien de jours spécifiquement ils restaient contagieux (variations de 5 à 19 jours de suivi). Mais il a été décrit qu’on pouvait retrouver l’ARN du virus dans les sécrétions respiratoires environ 20 jours en moyenne. Ce qui ne signifie pas qu’on est toujours contagieux après ce laps de temps. Des chercheurs allemands ont montré qu’après 8 jours, ils n’arrivaient plus à cultiver le virus des sécrétions respiratoires (le virus n’était plus capable de se répliquer). Donc on peut dire qu’en moyenne, les 14 jours de précaution suffisent.

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