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Les experts de l’UCLouvain vous répondent: « Le coronavirus, moins grave que les guerres mondiales »

Le Vif

« N’en déplaise à certains hommes politiques à la rhétorique guerrière, ses conséquences sur les sociétés humaines sont loin d’avoir eu une ampleur comparable », souligne Emmanuel Debruyne, professeur d’histoire contemporaine.

Question d’un lecteur: Si l’on regarde ce qui a suivi les deux guerres mondiales (retour de la pauvreté, de la finance, etc.), le fameux ‘monde d’après’ est-il un mirage?

Réponse d’Emmanuel Debruyne, professeur d’histoire contemporaine à l’UCLouvain

Du fait de l’ampleur du traumatisme qu’elles ont occasionné, les deux guerres mondiales ont été suivies de bouleversements fondamentaux à l’échelle nationale et internationale. Pour éviter que de telles tragédies ne se reproduisent et à plus court terme pour parer à la dislocation des sociétés éprouvées par la guerre, les dirigeants en place au sortir des deux guerres ont voulu – ou consenti à – redéfinir une partie des règles du jeu.

Sortie de guerre

En Belgique et dans d’autres pays, la législation sociale a été fortement renforcée après 1918, puis c’est le modèle de l’Etat-providence qui s’est imposé après 1945. Il en va de même pour le processus de démocratisation, avec l’accès au suffrage universel masculin en 1919, puis mixte en 1948.

Les relations internationales ont aussi été transformées par la mise en place d’institutions internationales destinées à maintenir la paix et à renforcer les liens entre les nations : la Société des Nations en 1919, puis l’Organisation des Nations Unies en 1945. Dans les deux cas, la Belgique a fait partie des pays fondateurs et a participé à la dynamique des premières années. L’après-Seconde Guerre mondiale a encore vu l’amorce de la décolonisation, l’élaboration d’un nouveau système financier international, les débuts de la construction européenne, l’approfondissement du droit international, etc. Tous ces bouleversements qui visaient à construire un monde plus juste, plus stable et plus prospère n’ont pas tenu leurs promesses, loin s’en faut. Cependant, ces deux immenses tragédies ont chaque fois enfanté de transformations profondes des sociétés humaines, ou pour le dire autrement, d’un « monde d’après ».

Engager l’avenir ?

Il est cependant peu probable que la crise du coronavirus aboutisse à des changements aussi fondamentaux: n’en déplaise à certains hommes politiques à la rhétorique guerrière, ses conséquences sur les sociétés humaines sont loin d’avoir eu une ampleur comparable à celle des guerres mondiales. L’urgence de changements profonds est criante face aux défis du 21e siècle, mais les dégâts et les périls provoqués par la crise actuelle ne sont pas peut-être suffisants pour rendre évidente la nécessité d’une reconstruction qui engage l’avenir.

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