© BELGA

Les contrats atypiques des pilotes présentent un risque pour la sécurité aérienne

Le lobby des pilotes européens (ECA) tire la sonnette d’alarme à propos de la multiplication de pilotes liés aux compagnies aériennes par des contrats « précaires », en tant que faux indépendants par exemple. La situation n’est pas sans conséquence pour la sécurité, avertissent vendredi les pilotes.

La problématique a déjà été mise en lumière, mais c’est la première fois qu’elle est étayée par une étude scientifique, menée par l’Université de Gand. Un sixième des pilotes interrogés par les chercheurs gantois, sur un panel de 6.633 pilotes, bénéficiait de conditions de travail « atypiques ». « Cela semble peu, mais en sachant qu’il y a près de 50.000 pilotes commerciaux en Europe, plusieurs milliers d’entre eux sont donc concernés », commente Jon Horne de l’ECA.

Ce système contractuel offre plus de flexibilité, selon les chercheurs, mais sert aussi l' »ingénierie fiscale et sociale » des compagnies aériennes. Elles parviennent de la sorte à réduire au minimum leurs obligations sociales et fiscales. La moitié des pilotes employés via une société privée sont payés à l’heure, avec un minimum d’heures garanties. Mais beaucoup de pilotes « indépendants » affirment ne pas pouvoir choisir combien d’heures ils peuvent voler.

Cette situation soulève des questions de sécurité, car ces membres d’équipage peuvent alors avoir tendance à privilégier les aspects économiques aux aspects sécuritaires, met en avant l’étude. Près de la moitié des pilotes « indépendants » interrogés admettent ne pas être en mesure de prendre librement des décisions de sécurité. Ces pilotes n’oseraient pas réclamer plus de carburant, ou réaliser un détour en cas de mauvaises conditions climatiques, cite à titre d’exemple Jon Horne qui évoque dans ce cas un « énorme problème ».

Il dénonce en outre le système de « pay to fly », lorsqu’un jeune pilote rémunère une compagnie aérienne pour pouvoir voler et gagner de la sorte de l’expérience. Ils pourraient choisir de ne pas signaler un problème technique, qui risquerait d’avoir pour conséquence l’annulation d’un vol, puisqu’ils ont investi de l’argent pour y participer. « Je pense qu’il n’est pas évident de ne pas être influencé », décrypte M. Horne.

Alors que 40% des pilotes entre 20 et 30 ans ne sont pas des employés directs, les compagnies à bas coûts ont recours fréquemment à leurs services. Quatre pilotes sur cinq sous statut d’indépendant volent pour une compagnie « low cost », révèle l’enquête.

De précédents témoignages sous couvert de l’anonymat sur les pratiques de ces transporteurs ont déjà révélé que les pilotes étaient mis sous pression pour voler avec un minimum de carburant, ou en étant malade par exemple. L’étude de l’Université de Gand en a recueilli d’autres faisant état de licenciements soudains ou de menaces récurrentes de la direction. Un lanceur d’alerte évoque plusieurs collègues ayant piloté un avion en étant « clairement malades », par crainte que leur salaire ne soit pas versé, n’ayant pas presté un nombre d’heures suffisant.

Toutefois, ni les chercheurs, ni Jon Horne ne déclarent de but en blanc que les compagnies à bas prix sont moins sûres que les autres, même si elles ont davantage recours à des « contrats atypiques », les pilotes des compagnies traditionnelles n’osant pas nécessairement prendre des décisions en toute liberté. Leur emploi est aussi soumis à la concurrence des pilotes qui volent sous des conditions de travail revues à la baisse.

Contenu partenaire