Olivier Mouton

Les apprentis sorciers d’un fédéralisme de confrontation

Olivier Mouton Journaliste

Le gouvernement fédéral a bouclé son budget en rejetant partiellement la patate chaude aux Régions. Logique. Ce qui ne l’est pas, c’est l’absence de concertation et la tuyauterie incompréhensible du système. Notre fédéralisme vire dangereusement à la confrontation permanente.

Ils sont furieux, les ministres-présidents de nos Régions. Et on les comprend, partiellement du moins. En bouclant rapidement son délicat conclave budgétaire, le gouvernement fédéral a rejeté une bonne partie de la patate chaude vers la Flandre, la Wallonie et Bruxelles, à hauteur respectivement de 396, 247 et 105,4 millions d’euros. Soit une facture totale de 750 millions sur le 1,2 milliard d’effort qui était prévu. Voilà à nouveau nos entités fédérées dans l’embarras dans un contexte déjà extrêmement délicat pour elles.

Le résultat ? Une nouvelle guerre des petites phrases entre le PS au pouvoir dans les entités francophones et le MR au fédéral. Rudi Vervoort, ministre-président bruxellois, dénonce le « manque de considération » du fédéral à l’égard des entités fédérées. Christophe Lacroix (PS), ministre wallon du Budget, avait déjà fait part de sa « stupéfaction ». Didier Reynders, vice-Premier MR au fédéral, affirme au Soir non sans cynisme que « les Régions doivent faire leur travail » et qu’il s’agit de l’application de la nouvelle loi de financement « qui a été négociée par huit partis sous la direction du précédent gouvernement », à savoir celui d’Elio Di Rupo. Quant au Premier ministre Charles Michel, il affirme que les lamentations régionales n’ont « aucun sens ». Et d’ajouter : « Il n’y avait pas de raison de se concerter avec les Régions. Je comprends très bien que la nouvelle ne soit pas agréable. Mais tout le monde doit faire ses propres efforts avec ses propres moyens. »

Oui, c’est vrai, les Régions doivent assumer la place nouvelle qu’elles occupent dans la structure institutionnelle du pays depuis la sixième réforme de l’État. Davantage autonomes, elles disposent désormais de moyens budgétaires considérables et d’une autonomie fiscale accrue. N’étant pas directement en contact avec l’Union européenne, elles dépendent encore du fédéral et doivent s’inscrire dans une trajectoire budgétaire belge, malmenées par leurs propres déficits. Il n’y a rien là de plus logique.

Il faut toutefois avouer que le Premier ministre a une manière un peu cavalière de considérer la logique fédérale. Dans le contexte budgétaire qui concerne tous les citoyens, quel que soit le niveau de pouvoir impliqué, le gouvernement fédéral aurait pu prendre la peine de contacter les Régions et de s’entendre avec elle avant de rendre publics ces chiffres. Une réunion du Comité de concertation est prévue… ce mercredi 1er avril pour une « discussion sereine ». Non, ce n’est pas un poisson !

Dans notre système fédéral aux majorités fortement asymétriques du côté francophone, le jeu politique vire à une confrontation permanente entre les niveaux de pouvoirs.

Cela sent bon le règlement de comptes politique de la part du MR, du genre : « le PS a voulu gouverner seul avec le CDH dans les Régions, qu’il se débrouille ». Personne n’est toutefois neutre dans cette histoire, le PS ayant beau jeu de se plaindre systématiquement des décisions du fédéral et, vu la force de frappe de son service d’études, devait être parfaitement au fait à l’avance de ces données budgétaires. Sur Twitter Clémentine Barzin, conseillère communale MR à Bruxelles-Ville, assène :

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Le résultat, de plus en plus flagrant, est celui-là : dans notre système fédéral aux majorités fortement asymétriques du côté francophone, le jeu politique vire à une confrontation permanente entre les niveaux de pouvoirs. Les responsabilités ? Elles sont partagées, comme si PS et MR jouaient délibérément au chat et à la souris pour des raisons stratégiques et des calculs politiques. Paul Magnette (PS), ministre-président wallon, regrettait lui-même il y a une semaine ce « fédéralisme de confrontation ».

L’autre raison pour laquelle les rouages ne sont visiblement pas huilés est liée au fait que notre architecture institutionnelle ressemble de plus en plus à une usine à gaz. Même les négociateurs des réformes de l’État semblent parfois bien en peine de comprendre toutes les implications des textes qu’ils ont eux-mêmes signés. Wouter Beke, président du CD&V, affirmait ainsi ce matin à la VRT que les Régions contribueraient davantage à l’effort cette année, mais qu’elles retrouveraient une partie de leur dû en 2018. Allez comprendre…

Plus les jours passent, plus les polémiques s’accumulent. Nos élus prennent certes leurs responsabilités, mais en ordre dispersé et en multipliant les peaux de banane sous les pieds de leurs rivaux politiques. Ce sont les apprentis sorciers de la Belgique nouvelle, qui mériterait davantage de respect. Car in fine, ce sera toujours le contribuable qui règlera la facture, qu’elle soit fédérale ou régionale.

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