Sarah Van Liefferinge

« Lentement, mais sûrement, la folie d’acheter nous mène à notre perte »

Sarah Van Liefferinge Parti Pirate

Pour Sarah Van Liefferinge du Parti pirate, nous avons plus que jamais besoin d’un nouveau système économique et d’une nouvelle image de l’homme et du monde. « Le revenu de base, avec l’accent sur la production locale et la consommation, ainsi qu’un tax shift fondamental, peut en être le moteur ».

En cette période de l’année, on achète comme des fous, et les soldes et la Saint-Valentin sont encore à venir. De longues files de voitures attendent devant les parkings souterrains et nous nous pressons dans les rues commerçantes et les shoppings.

Notre folie d’achats collective accentue cette vérité qui dérange: nous sommes prisonniers de notre dépendance à la consommation. Mais on peut faire autrement, à condition toutefois d’être prêts à changer.

Nous vivons à une époque d’aliénation grandissante, de stress et d’extrémisme. Nous devons travailler de plus en plus dur et de plus en plus longtemps, alors que les certitudes sur notre avenir vacillent. Nous sommes tendus, en colère et angoissés et cherchons des façons d’éliminer ces sentiments négatifs.

Le shopping aide, du moins brièvement. Il offre une satisfaction instantanée. Cependant, plusieurs études démontrent qu’à long terme le matérialisme nous rend plus inquiets et malheureux, tant sur le plan individuel que collectif.

Celui qui a beaucoup, veut toujours plus, et celui qui n’a rien souhaite sa part du gâteau. On nous a promis que la croissance économique ferait grandir le gâteau de façon à ce qu’il en y ait assez pour tout le monde, mais c’est un mensonge. Entre-temps, le gâteau est assez grand pour tout le monde, mais les clés de répartition que sont le « marché » et l' »état » échouent.

L’inégalité croissante provoque de nombreuses tensions, tant sur le plan local et global. Et la consommation massive de produits conditionnés par l’exploitation et la destruction de l’environnement ne font qu’empirer la situation.

Lentement, mais sûrement, la folie d’acheter nous mène à notre perte

Lentement, mais sûrement, la folie d’acheter nous mène à notre perte et nous transformons la planète en décharge en plastique. Nous faisons face au malaise émotionnel qui amplifie comme une tache d’huile sur l’eau à coup d’antidépresseurs, de tranquillisants et de somnifères : un traitement des symptômes pour un cercle vicieux sans issue.

Mais comment mettre fin à ce schéma destructeur?

Façon de consommer

Tout d’abord, nous pouvons changer notre façon de consommer. Chaque fois que nous achetons à une multinationale ou une chaîne internationale, l’argent quitte les communautés locales. Nous avons donc intérêt à soutenir l’économie locale, et certainement les commerçants qui proposent des alternatives locales ou durables. Moins de jetable, plus de qualité. L’argument que les grandes entreprises internationales offrent les « jobs, jobs, jobs, indispensables », ne compte pas à l’ère de la délocalisation, la robotisation et la numérisation. Tôt ou tard, ces jobs disparaissent, et que ferons-nous alors ?

Les petits indépendants ont bien besoin de notre soutien. Selon le dernier rapport PME d’Unizo, 38% des petits commerçants belges travaillent à perte. Ils sont incapables de concurrencer les prix bradés de chaînes internationales et de boutiques en ligne, et paient des impôts que les grands joueurs esquivent. En réalité, le « marché libre » est tout sauf libre.

Prenez une entrepreneure à succès comme Murielle Scherre, qui a acquis une réputation internationale grâce à sa marque de lingerie La Fille d’O. Déterminée, elle continue à choisir la production locale, durable et éthique. Pendant des années, elle s’est rétribué 1000 euros par mois, ce qui est juste en dessous du seuil de pauvreté européen de 1.074 euros pour une personne seule. Et elle est loin d’être la seule, car d’après une étude du Syndicat Neutre pour Indépendants (SNI), un indépendant belge sur six vit d’un revenu de moins de 833 euros par mois. C’est ce qu’on appelle pauvreté structurelle.

Revenu de base inconditionnel

L’incertitude financière et l’équilibre vie privée-travail meurtrier vécu par beaucoup d’entre nous ne rendent pas notre société plus chaleureuse. C’est pourquoi le revenu de base inconditionnel est le deuxième pilier de la solution.

Le revenu de base est un socle dont le but est de payer les besoins de base, et il faut donc qu’il soit au-dessus du seuil de pauvreté. Il faudra travailler pour les extra et le luxe, c’est logique. Mais contrairement au système actuel d’indemnités, on ne perd pas son revenu de base quand on travaille. Le travail n’est plus puni et rendu peu attrayant : vous travaillez aussi dur que vous voulez et pouvez. Et celui qui gagne beaucoup et consomme, rembourse le revenu de base via les impôts.

Le revenu de base est accordé individuellement, donc par personne, et non par ménage. Le concept peut être développé dans le giron de la sécurité sociale, ce qui signifie qu’on continue à s’occuper de personnes handicapées ou gravement malades qui ont des frais supplémentaires. Et il n’est pas lié à un contrôle paternaliste ou à une activation : c’est un droit de base, une part du gâteau que nous avons réalisé avec nos (grands)-parents.

Le revenu de base permet d’échapper un instant à la course sans fin, et offre une réponse à la culture du burn-out. Il nous assure une sécurité financière et la liberté d’opter pour des études ou des formations, l’entrepreneuriat ou de choisir de soigner ses proches. En outre, il assure une position de négociation forte sur le marché du travail, ce qui est une bénédiction pour ceux qui font un job peu attrayant ou sous-payé. Nous pouvons enfin mieux répartir le travail existant, et évoluer vers des semaines de travail plus courtes. La bonne vie est plus proche que ce que nous osons rêver.

Tax shift

Le financement du revenu de base est un défi, mais aussi une chance pour le troisième pilier essentiel: un tax shift fondamental. Est-ce logique que les nombreux produits jetables qui nuisent irrévocablement à l’environnement soient hyper bon marché, alors que les alternatives locales, éthiques et écologiques sont impayables ? Et pourquoi le travail est-il si imposé que beaucoup de petits indépendants et entreprises en souffrent et sont obligés de vendre leurs produits au prix fort ?

Un glissement des charges sur le travail vers la consommation, les produits de luxe, le transport et la pollution, mais aussi sur les fortunes et les transactions financières, est non seulement souhaitable, mais surtout indispensable.

La planète et sa population subissent une pression importante. De plus en plus de gens réalisent que nous n’avons pas seulement besoin d’un nouveau système économique, mais aussi d’une nouvelle image de l’homme et du monde pour renverser la vapeur. Le changement de mentalités global est en marche, même si pour certains il s’accomplit trop lentement. Le revenu de base, avec d’une part l’accent sur la production locale et la consommation et d’autre part sur un tax shift fondamental, peut être un excellent moteur pour le changement économique et social, car qu’avons-nous à perdre ?

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