La Belgique est confrontée, comme d’autres pays, à l’installation plus durable du moustique tigre sur son territoire. En 2024, ces insectes ont été signalés dans 21 communes, dont douze pour la première fois. Les moustiques sont le plus important groupe transmetteur d’agents pathogènes à l’être humain, d’où la nécessité d’une surveillance renforcée.
Il ne mesure généralement que quatre à cinq millimètres, mais provoque d’énormes inquiétudes. Le moustique Aedes albopictus, plus communément appelé moustique tigre, est l’une des espèces invasives les plus redoutées. Il constitue une menace pour la santé publique en Belgique et en Europe, en étant le potentiel vecteur d’introduction d’agents pathogènes nouveaux.
Observé pour la première fois en Belgique en 2000, importé via des pneus d’occasion, le moustique tigre a pris ses quartiers progressivement. Depuis 2013, l’insecte est retrouvé chaque année sur le territoire belge. Des inspections de terrain menées l’an dernier par l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers (IMT) ont confirmé l’hivernage de l’espèce, soit sa capacité à survivre à l’hiver, à Ath, Kessel-Lo et Puurs-Sint-Amands. En ajoutant les deux communes où l’hivernage avait été confirmé en 2023, à Wilrijk et Lebbeke, cela porte à cinq le nombre total de localités où le moustique tigre s’établit désormais en Belgique.
Mais l’insecte piqueur a été détecté dans bien d’autres lieux. Les notifications de moustiques par les citoyens, sur la plateforme dédiée de Sciensano, permettent de suivre ses zones d’installation. Quelque 21 communes étaient concernées en 2024, dont douze nouvelles: Ath, Baudour (Saint-Ghislain), Berchem (Anvers), Boom, Bruxelles, Evergem, Forest (Bruxelles), Gand, Hoegaarden, Humbeek (Grimbergen), Kessel-Lo, Leuven, Melle, Puurs-Sint-Amands, Saint-Josse-ten-Noode, Schelle, Verviers, Vilvoorde, Wolfsdonk (Aarschot), Wijnegem, Wilrijk (Anvers). Au total, entre 2022 et 2025, le moustique tigre a été signalé dans 35 communes via la surveillance citoyenne, dont quatre communes en Wallonie, à Ath, Herstal, Saint-Ghislain et Verviers.
Eau et chaleur favorisent l’installation
Cette participation libre signifie qu’il peut y avoir une sous-estimation du problème. Mais l’attention médiatique et les campagnes de prévention autour du moustique tigre permettent de mitiger ce risque. «Il est possible que tous les moustiques tigre ne nous soient pas signalés. C’est pourquoi nous invitons la population à participer activement à la surveillance sur notre site ou via l’application dédiée (Android ou iPhone). Actuellement, la Flandre communique davantage et nous recevons plus de notifications au nord du pays», reconnaît Javiera Rebolledo Romero, épidémiologiste à Sciensano et coordinatrice du projet de surveillance des moustiques exotiques.
L’experte rappelle également qu’un signalement dans une commune ne signifie pas que le moustique tigre y est présent partout. «Ce sera toujours à des endroits spécifiques et bien localisés. Il aime la chaleur et cherche de l’eau stagnante pour s’y reproduire. Cela peut parfois être une simple coupelle de plante ou un jouet pour enfant qui traîne dans le jardin avec un fond d’eau. Il suffit de supprimer cette eau stagnante pour l’empêcher de se reproduire. Il faut aussi constater qu’Albopictus s’adapte très bien en milieu urbain, plus dense, où il trouve facilement des récipients artificiels avec de l’eau stagnante pour s’y reproduire. C’est une raison potentielle qui peut expliquer sa présence plus importante en Flandre», explique-t-elle.
Outre la situation belge, celle en Europe est également surveillée. L’ECDC, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, tient à jour le suivi de l’installation du diptère. Les zones ont augmenté au fil des ans, confirmant l’adaptation de ce moustique exotique au climat européen. Avec une certitude: le réchauffement climatique favorise sa remontée vers le nord du continent. Les dernières données produites par l’ECDC montrent les sous-régions avec ou sans présence du moustique, sachant qu’une zone rouge ne signifie pas que la totalité de celle-ci est envahie, mais que l’insecte s’y est installé quelque part.
Piqûre et comportement du moustique tigre
Humains, mammifères, oiseaux, reptiles ou amphibiens composent le menu du moustique tigre, qui se nourrit de sang pour permettre le développement de ses œufs. Outre sa résistance et son acclimatation, le moustique tigre se caractérise également par son comportement très agressif lorsqu’il cherche à se nourrir –lire «piquer et sucer le sang» de ses hôtes. Il est davantage actif la journée, plutôt à l’extérieur, à l’inverse du moustique indigène de Belgique qui festoie principalement après le coucher du soleil et à l’intérieur.
«Il est effectivement très insistant, ce qui crée des nuisances bien visibles. Quand une population de plusieurs individus cherche à piquer, les personnes visées seront véritablement incommodées. On voit des endroits, notamment dans le Sud de la France, où il devient difficile de sortir dans le jardin ou sur la terrasse lorsque les moustiques tigre cherchent des hôtes pour se nourrir», détaille Javiera Rebolledo Romero.
Concernant les maladies qu’il peut transmettre, le calme prévaut actuellement. «Le moustique tigre peut être vecteur des virus de la dengue, du chikungunya et du Zika, contrairement aux moustiques indigènes que nous avons en Belgique. Mais pour qu’il puisse les transmettre, il faut trois conditions: qu’il soit définitivement établi sur un territoire, qu’une personne revenant de voyage soit infectée, que le moustique pique cette personne puis une autre. Nous sommes encore à un stade précoce dans son arrivée en Belgique, il est donc encore temps d’agir afin de limiter sa propagation», assure l’experte de Sciensano.
Comment reconnaître un moustique tigre?
Différencier l’exotique Aedes albopictus de ses cousins belges Culex pipiens (moustique domestique commun) ou Culiesta annulata (cousin annelé) n’est pas toujours chose aisée. Le premier partage plusieurs ressemblances physiques avec le moustique natif de Belgique, mais possède deux principaux traits distinctifs: une unique ligne blanche se dessine à l’arrière de sa tête, sur son dos, tandis que ses pattes possèdent un motif «tigré», alternant cinq rayures blanches sur fond noir. Le bout des pattes du moustique tigre est entièrement blanc, contrairement à d’autres moustiques exotiques. L’idée est parfois répandue, mais le moustique tigre n’est pas plus gros ou grand que le moustique «belge», au contraire.

Le moustique des forêts asiatiques, dit Aedes japonicus, ressemble davantage à albopictus, mais ne possède que trois rayures blanches sur les pattes, qui se terminent par une dernière section noire. D’autres espèces exotiques peuvent évoquer le moustique tigre, mais possèdent des motifs parfois plus élaborés sur le dos. «Le moustique tigre est vraiment blanc et noir. Toute trace d’une autre couleur confirmera que ce n’est pas cette espèce. Quant à vouloir identifier des œufs ou larves de moustiques tigre pour s’en débarrasser préventivement, cela exige une expertise trop poussée», estime Javiera Rebolledo Romero.
La présence du moustique tigre devrait logiquement augmenter en Belgique dans les prochaines années, d’où l’importance de suivre son installation, pour anticiper les risques pour la santé publique. Un travail auquel les citoyens sont associés via les signalements volontaires sur surveillancemoustiques.be.