Celine Bouckaert

Le flamand n’est pas en voie d’extinction

Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Face à une Belgique qui se délite tous les jours un peu plus, et où seul le foot semble encore réunir Wallons et Flamands, on ne peut s’empêcher d’éprouver un sentiment de tristesse, de dégoût, de révolte, mais aussi de combativité.

À l’heure où le monde change à une vitesse fulgurante, et où les défis à relever sont gigantesques, la recrudescence de la question communautaire dans notre minuscule pays, et l’éloignement entre francophones et néerlandophones qui en découle, témoignent d’une rare petitesse d’esprit.

Ainsi, on apprenait il y a une dizaine de jours qu’à Asse, commune du Brabant-flamand située à quelques encablures de Bruxelles, les commerçants du marché qui oseraient s’adresser à leurs clients dans une autre langue que le néerlandais risquaient une sanction et même de perdre leur licence.

Le flamand n’est pas en voie d’extinction

Si Sigrid Goethals (N-VA), l’échevine responsable de cette mesure, explique que son initiative va servir à favoriser l’intégration des nouveaux venus, il est clair qu’elle vise surtout à lutter contre l’usage du français qui « menacerait » le néerlandais. Même si certaines communes du Brabant-flamand accueillent beaucoup de francophones, on peut difficilement dire que le flamand soit menacé ou en voie de disparition.

Cette attitude anti-francophone, propre aux partis nationalistes flamands, mais aussi aux chrétiens-démocrates – rappelons que c’est tout de même l’ancien CVP à qui l’on doit la fédéralisation de la Belgique – trouve son origine dans le passé, lorsque le français était la langue de la bourgeoisie et de l’aristocratie en Flandre. Avant 1815, la Belgique était, en effet, rattachée à la France, qui avait imposé l’usage du français.

Les classes supérieures parlaient donc français, qu’elles soient à la tête du pays, à l’armée, ou dans les entreprises. Toute l’intelligentsia flamande s’exprimait, tel le poète symboliste gantois Maurice Maeterlinck, prix Nobel de Littérature en 1911, en français. Il en allait de même dans l’enseignement. L’Université de Gand, par exemple, a dû attendre 1930 pour être tout à fait flamandisée.

Aujourd’hui, le Mouvement flamand a pleinement atteint son but et l’équilibre est rétabli depuis plusieurs décennies. Les Flamands occupent désormais autant (même plus diront certains) de postes de pouvoir en Belgique que les francophones. L’emploi du néerlandais n’est plus menacé et il n’est plus besoin de l’imposer de ‘force’ comme à Asse.

Ce genre d’initiatives ne fait qu’attiser les tensions et creuser encore un peu plus le fossé entre les communautés. De plus, au lieu d’encourager les francophones à apprendre le néerlandais, ces pratiques risquent de provoquer l’effet inverse dans un pays où les connaissances des langues nationales reculent de plus en plus, que ce soit pour le français en Flandre, ou pour le néerlandais en Wallonie. En témoigne la pénurie de professeurs de langue dans les deux Régions.

On constate que dans les entreprises, l’anglais devient de plus en plus la langue de communication, même entre employés « belges », pourtant censés avoir appris la langue de l’autre sur les bancs de l’école. Parfois, il ne se parlent tout simplement pas, pas par antipathie, mais tout simplement par crainte de parler la langue de l’autre. Et on ne peut pas dire que nos dirigeants tentent de changer la donne.

Ainsi, depuis début 2019, les radios de la RTBF ne sont plus captées en Flandre. Seuls les auditeurs à proximité de Bruxelles ou de la Wallonie peuvent continuer à écouter la RTBF via la bande FM ou en DAB+. Il en va de même en Flandre où la VRT a laissé une place pour la BBC britannique, mais pas pour la RTBF. Terminé donc d’écouter la radio flamande en Wallonie et vice-versa. Même chose pour la TNT qui ne diffuse plus les chaînes de la VRT à Bruxelles, pourtant censée être une région bilingue.

Après, des politiciens nous diront que les francophones et les Flamands ne votent pas pour les mêmes partis, qu’ils ne lisent pas les mêmes journaux, qu’ils ne regardent pas les mêmes chaînes de télévision et n’écoutent pas les mêmes émissions de radio, et que du coup ils n’ont plus rien à faire ensemble. Mais ne sont-ils pas responsables de cet éloignement, de ce fossé qui se creuse entre communautés d’un pays déjà minuscule?

Que faire alors? Commencer par instaurer une circonscription fédérale de manière à ce que le Premier ministre soit élu par tous les Belges, et pas seulement une partie d’entre eux. Eh oui, les Flamands aussi devraient pouvoir voter pour Charles Michel et Elio Di Rupo. Et les Wallons devraient avoir la possibilité d’élire Theo Francken ou Maggie De Block.

Ensuite, il faut encourager l’apprentissage des langues nationales afin de jeter des ponts entre les citoyens, car oui, au risque de passer pour une défenderesse surannée de la Belgique à papa, l’union fait toujours la force.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire