Didier Bronselaer

Le bachelor en médecine en Belgique francophone, une voie sans coeur ni cerveau, à emprunter avec d’infinies précautions

Didier Bronselaer Psychologue directeur du Centre de Réussite Scolaire - Assistant chargé d’exercices à l’ULB, faculté des sciences psychologiques et de l’éducation

En tant que psychologues, nous nous sommes engagés à protéger et à promouvoir l’intégrité de la Personne, particulièrement sa santé mentale. Sous peine d’être en faute pour non-assistance à personnes en danger, par danger j’entends l’atteinte profonde de l’équilibre mental, je me dois de transmettre cet avertissement.

Les conditions d’enseignement dans lesquelles vivent les milliers d’étudiants en bachelor dans les facultés de médecine francophones de Belgique ET les conditions d’évaluation qui leur sont infligées ont atteint un tel niveau d’inhumanité depuis plusieurs années, que nous recevons en consultation de plus en plus d’étudiants démolis psychologiquement et physiquement par ces dites conditions. Il s’agit souvent d’un surmenage sévère que l’on peut par ses effets, associer au burnout des travailleurs. Leur rétablissement tant psychique que physique prend au moins un an, en espérant qu’ils bénéficient d’une psychothérapie et d’une réorientation scolaire adaptées. Le parcours classique de ces victimes consiste en des primaires et secondaires bien réussies, une 1ère bach. ratée, par conséquent 1er échec dont il faut faire le deuil le plus positivement et constructivement possible, suivie d’un redoublement amenant plus ou moins rapidement un effondrement global, deuxième année d’échec, ici beaucoup plus grave sur le plan de la santé !

Pour nous psychologues, les prétextes de cet encadrement destructeur « Il faut sélectionner, n° INAMI, etc. » passent bien après notre souci premier, le bien-être de ces adolescents de 18, 19 ou 20 ans. Actuellement, ce système scolaire a ses raisons que ni mon coeur, ni ma raison ne peuvent accepter. Il s’agit de pousser dans l’eau profonde des milliers de jeunes personnes pour voir si elles savent nager, puis garder celles qui surnagent, quant aux « coulés », de toute façon on ne les voit plus ! Ceci, en sachant que savoir nager n’est pas utile pour être médecin. Aucun des responsables directs ou indirects (académiques, politiques, etc.) de cette fameuse journée aux 7 examens de fin 1ère bach. n’a subi un enseignement universitaire aussi nocif, à moins qu’un de leurs propres enfants en soit une victime, ils ne risquent rien, ni au niveau de leur argent, ni au niveau de leur santé !

Notre culture a toujours reconnu implicitement le droit d’aller à l’université, d’essayer les études supérieures librement et le droit de se tromper, sinon qu’ici c’est ruineux tant sur le plan économique qu’humain, mais c’est comme ça. Ou plutôt ça l’était ! De plus en plus de familles consultent dès la 5è secondaire pour des questions d’orientation scolaire; elles préfèrent dépenser 500 euros [1] (honoraires conséquents aux tests qui portent sur les ressources cognitives, sur les compétences pédagogiques, dont la lecture, l’esprit de synthèse, la méthode de travail, la confrontation des goûts et des multiples choix, etc.) plutôt que jouer une incertitude peu constructive. Je parle volontairement d’argent pour dire que des solutions existent, surtout dans la prévention. Ceux qui ne dépensent pas les 500 euros devront avoir les milliers d’euros [2] conséquents à l’échec plus que probable ! Il faut le savoir, ce système fonctionne ainsi.

Parents, étudiants, ne vous laissez pas faire, soyez prévoyants et ne comptez pas sur un changement, comptez sur vous avant tout, ce système scolaire n’a pas d’âme.

[1] Les honoraires d’un professionnel spécialisé sont d’environ 60 euros l’heure, le temps nécessaire pour les entretiens, l’analyse des tests, le rapport écrit est d’au moins 8 à 10 heures. Notons que certaines mutuelles interviennent pour une petite partie au niveau psychologique.

[2]L’addition des coûts d’un redoublement – pour la société (un étudiant en plus), la famille (le jeune risque de rester un an de plus aux frais de ses parents), le jeune lui-même (perte d’un an de salaire) – peut raisonnablement s’évaluer au bout du compte à 30 ou 40 000 euros, sans compter l’atteinte morale subie par lui et ses parents

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