La guerre scolaire entre catholiques et libéraux a engendré des manifestations bien avant celles de 1954-1955 (photo). © photonews

Le 7 septembre 1884, catholiques et libéraux se cognent à Bruxelles sur la question de la guerre scolaire

Sans doute est-ce un petit miracle : ce jour-là, à Bruxelles, la violence ne fait aucun mort. Mais il s’en faut de peu. Car ce jour-là, à Bruxelles, les luttes sont passionnées. « A tout instant, des corps roulent sur le sol, on emporte des blessés », écrira un homme de presse. « Il y eut çà et là des bagarres formidables, le sang a coulé », racontera un autre. Mais pourquoi tant de violence ? La Belgique serait-elle entrée en guerre ? Eh bien oui !

Dans le dernier quart du XIXe siècle, notre pays connaît sa (première) guerre scolaire. Depuis 1878, un cabinet libéral est aux commandes du pays. Dirigé par Walthère Frère-Orban, il mène une politique fort peu sociale et très anticléricale. L’une de ses priorités : l’enseignement. Début 1879, une loi est rédigée. Dorénavant, les écoles libres ne seront plus subsidiées par les communes, et les écoles publiques ne dispenseront plus de leçons de religion… qu’en dehors des heures de cours ! Pétitions et requêtes catholiques n’y font rien, la loi est ratifiée au seuil de l’été.

La contre-offensive a de l’allure : encouragés par les évêques, les catholiques retirent leurs enfants de l’enseignement public. Le gouvernement ne fait pas pour autant marche arrière. Il place même l’affaire sur le plan international et, en juin 1880, rompt les relations diplomatiques de la Belgique avec le Saint-Siège. Mais les élections de 1884 permettent aux catholiques d’éjecter les libéraux du pouvoir. Dans la foulée, le nouveau gouvernement prépare une loi visant à annihiler les « avancées » du précédent. Cette fois, ce sont les anticléricaux qui sont mécontents. Leurs pétitions restant sans effet, ils décident de manifester dans la capitale. La ville leur est conquise : depuis toujours, Bruxelles est une citadelle libérale.

Les catholiques refusent cependant de laisser aux libéraux le monopole de la rue. Pour afficher leur soutien au gouvernement, ils décident, eux aussi, de battre le pavé. Le 7 septembre, ils organisent donc une grande parade dans la capitale. En cours de matinée, des dizaines de milliers de catholiques affluent de tout le pays vers la gare du Midi. Prêtres, paysans, musiciens, seigneurs et députés revêtent Bruxelles de rouge, couleur des cardinaux. Mais, ornés de bleu, des milliers de libéraux sont là pour les accueillir. Et ça dérape. La faute à qui ? « Des hommes paisibles, inoffensifs, désarmés, ont été assaillis par des bandes organisées et armées », regrette le (catholique) Journal de Bruxelles, qui accuse aussi le bourgmestre (libéral) Charles Buls d’avoir laissé faire. Les lecteurs de la (libérale) Indépendance belge ont un autre son de cloche : « Ce qu’il faut dire par-dessus tout, c’est l’unanimité de la réprobation qu’a rencontrée la manifestation cléricale. »

Compromis à la belge ? Le roi Léopold II n’accède pas à la demande libérale de ne pas ratifier la loi. En revanche, il révoque bientôt les ministres catholiques les plus contestés, provoquant ainsi le retour d’un climat apaisé sous le gouvernement du plus modéré Auguste Beernaert.

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