Pour Laurence Vielle, la marche est un moyen de rencontrer les gens. © Isaora Sanna

Laurence Vielle : « Quand je marche, ma pensée s’éclaire »

La comédienne bruxelloise, Poétesse nationale en 2016, est une marcheuse invétérée. Les mots de Laurence Vielle se bousculent, inspirés, haletants, nés du souffle de la marche.

Laurence Vielle marche comme elle respire. Huit kilomètres par jour sans se forcer à Bruxelles,  » une ville superagréable dans son rapport aux distances « .  » Allez vous aérer « ,  » Va prendre l’air  » : l’injonction maternelle n’est pas restée lettre morte. La comédienne et poétesse écrit comme elle respire.  » Si je suis immobile à ma table, mon écriture ne se met pas en mouvement. J’ai besoin tous les jours de bouger beaucoup mon corps pour que les mots bougent.  »

Avec le danseur et vidéaste Jean-Michel Agius, elle a relié à pied Bruxelles à Paris, en musardant du côté de Boulogne-sur-Mer. Six cents kilomètres parcourus en plusieurs séquences entre 2005 et 2006. Cette expérience a fait l’objet du spectacle Etat de marche, complété par le petit livre éponyme (Maelström Editions) où elle a enchâssé cette délicieuse citation de Robert Louis Stevenson (1850 – 1894), auteur inoubliable de Voyage avec un âne dans les Cévennes :  » J’ai deux docteurs, ma jambe gauche et ma jambe droite.  »  » Quand je marche, écrit-elle, ma pensée s’éclaire. Quand je marche, je fais attention aux heures de l’univers et non à celles des trams.  »

La marche fait s’envoler son mal de dos, dissipe les miasmes, provoque des rencontres improbables. En 2012, Du Coq à Lasne relate ses pérégrinations du nord au sud de la Belgique pour  » traverser un secret de famille douloureux  » : dans sa famille anversoise, il y avait des résistants et des collaborateurs.  » La marche remettait du mouvement dans ce qui était figé par la pensée, rien n’était plus tout blanc ou tout noir.  »

En 2016, Laurence Vielle a hérité du titre de Poète national, créé par des maisons et associations de poésie afin de favoriser les échanges littéraires et culturels entre les trois communautés linguistiques du pays. Un livre est né : Domo de Poezia (Maelström). Avec la tenante actuelle du titre, la néerlandophone Els Moors, elle a parcouru, elle, la Flandre, et sa comparse la Wallonie.  » On devait faire en moyenne 11 kilomètres par jour et on se donnait des rendez-vous. Au bois de la Hutte, cet endroit près de Ypres où des soldats britanniques et allemands ont respecté la trêve de Noël en 1914, un poème m’est venu en marchant, après avoir vu, au milieu des bois, des visages de soldats en grand format, avec leur nom et leur histoire.  »

La marche anime donc les morts et les vivants.  » J’aime beaucoup les résidences d’écriture où je ne suis pas assise, poursuit Laurence Vielle. On me met dans une ville et je pars à la rencontre des gens, comme je l’ai fait pendant trois ans à La Courneuve, près de Paris. Grâce à la dactylo que ma mère m’a fait apprendre à 7 ans, j’écris en écoutant les gens.  » La  » diseuse de mots  » a aussi arpenté le quartier des Tanneurs, à Bruxelles, pour en dresser le portrait des habitants, comme ces sans-abri qui se déplacent sans cesse pour se sentir faire partie de l’humanité.  » La marche est un état où je me sens en disponibilité par rapport aux autres. En même temps que le corps s’agite, la pensée et le coeur se mettent en mouvement.  »

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