Jules Gheude

« La Vivaldi, une embarcation à la coque bien fragile » (carte blanche)

Jules Gheude Essayiste politique

La gestion de la pandémie nous a montré que les partenaires de la coalition Vivaldi ne manquent pas de s’étriper quant à la manière de l’aborder. Outre l’aveu du non-respect de la bulle par Jean-Marc Nollet, le co-président d’Ecolo, on assiste à ce que certains observateurs appellent la  » participopposition  » du MR : un pied dedans, un pied dehors.

Lors des négociations gouvernementales de l’an dernier, Georges-Louis Bouchez, le président du MR, avait tenu à souligner « l’unité de la famille libérale ». Main dans la main avec Egbert Lachaert !

Unité bien fragile, quand on voit le Premier ministre, Alexander De Croo, libéral flamand, remonter les bretelles aux « frondeurs » du MR, qui contestent la dureté des mesures sanitaires et considèrent que « lorsque les indépendants sont KO, le parti l’est aussi. »

Au sein même du MR, les clans s’opposent. On est ainsi frappé par la curieuse alliance Bouchez-Ducarme contre Wilmès ». Curieuse, en effet, lorsqu’on se souvient du désaccord profond entre les deux hommes lors de la campagne présidentielle du MR.

Entre les partenaires de la Vivaldi, les propos aigres fusent. Outré par la sortie de son homologue libéral contre les fonctionnaires – « Si je voulais gérer les choses simplement, je serais devenu fonctionnaire » -, Paul Magnette, le président du PS, parle des « derniers feux de la fougue néolibérale »…

Le même Paul Magnette qui n’hésite pas, par ailleurs, à « soutenir à 200% », la grève nationale du 29 mars, une grève dirigée clairement contre la coalition Vivaldi, dont le PS constitue un maillon fort.

On se rappelle aussi le combat virulent que Paul Magnette, alors ministre-président wallon, mena naguère contre le CETA (accord commercial entre l’Union européenne et le Canada), parvenant ainsi à se façonner une renommée internationale.

Nul doute qu’il adoptera une attitude similaire à l’égard de l’accord de libre-échange entre le Mercosur et l’UE, suivant en cela son homologue Jean-Marc Nollet d’Ecolo, qui a déjà annoncé la couleur.

Bref, sur ce sujet aussi, on peut s’attendre à de nouvelles escarmouches musclées entre les partenaires de la Vivaldi et du gouvernement wallon.

Mais les passes d’armes ne manqueront pas non plus quand on abordera le plan de relance économique et les efforts à fournir pour résorber la bulle budgétaire engendrée par la pandémie. Sans oublier la question des centrales nucléaires…

Paul Magnette le rappelle : « Jamais je ne me positionnerai par rapport au PTB ». Mais il connaît la menace sérieuse que ces « léninistes » représentent pour son parti. Aussi n’est-il pas disposeé à baisser la garde : charge contre « le patronat irresponsable », taxation du capital et des plus-values… Un terrain sur lequel les libéraux n’entendent sûrement pas se laisser faire.

Il ne fallait pas être grand clerc pour comprendre qu’une coalition à sept partis, aussi divergents les uns des autres, porterait en soi les germes de la crise.

La Vivaldi a également à son programme la préparation d’une 7ème réforme de l’Etat pour 2024. Du côté francophone, on se prononce de plus en plus en faveur d’une Belgique à quatre régions. Une option qui n’est nullement du goût de la Flandre, qui a toujours nourri une profonde aversion pour « Bruxelles, région à part entière ».

Le confédéralisme prôné au Nord depuis le début des années 90 repose clairement sur deux Etats – Flandre et Wallonie -, avec cogestion de Bruxelles. Selon Bart De Wever, chaque Bruxellois, indépendamment de sa langue et de son origine, devrait choisir entre le paquet flamand et le paquet wallon pour ce qui concerne les matières dites personnalisables : impôt des personnes, soins de santé, immigration/intégration,…

On a d’ailleurs vu récemment la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden (CD&V), faire état d’un « modèle 2+ 2 », entendez deux entités fédérées (deelstaten) – Flandre et Wallonie – et deux sous-entités (deelgebienden) – Bruxelles et Ostbelgien.

Bref, il est aisé d’imaginer ce que tout cela donnera quand on entrera vraiment dans le vif du sujet !

Pour Georges-Louis Bouchez, il est évident que « la Belgique a encore un avenir ». Au vu de ce qui précède, n’est-on pas raisonnablement amené à en douter ?

Dernier livre paru : « La Wallonie demain – La solution de survie à l’incurable mal belge », Editions Mols, 2019.

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