Alexander De Croo, Premier ministre, lors d'un hommage à la jeune victime à Gand, mercredi 2 juin. © Belga

La violence sexuelle bouscule l’agenda politique après le drame de Gand: « c’est une pandémie! »

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Le viol d’une jeune fille de 14 ans et son suicide, suite à la diffusion des images sur les réseaux sociaux, secouent le gouvernement fédéral, assailli de questions à la Chambre. Le Premier ministre et le ministre de la Justice disent leur détermination à faire voter un durcissement des sanctions avant cet été.

Le pays est sous le choc après les faits horribles survenus le 15 mai dernier, à Gand.

Une adolescente de 14 ans a été violée dans le cimetière Westerbegraafplaats. Elle avait rendez-vous avec un ami, mais quatre autres jeunes les ont rejoints. Ils sont suspectés d’avoir violé la victime tout en se prenant en photo et d’avoir ensuite diffusé les images sur les réseaux sociaux. Quatre jours après son viol, la jeune fille s’est donné la mort.

Les deux suspects majeurs sont maintenus en détention. Trois autres agresseurs présumés sont mineurs, âgés de 14 à 16 ans. L’un a été placé au centre fédéral fermé pour jeunes « De Grubbe » à Everberg, tandis que les deux autres ont intégré une institution judiciaire pour mineurs à Wingene.

L’horreur des faits, conjuguée à la double question de la violence sexuelle et du harcèlement sur les réseaux sociaux, induit la nécessité d’apporter des réponses politiques à ces fléaux.

Une dizaine de parlementaires ont interpellé le Premier ministre, Alexander De Croo et le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne, (tous deux Open VLD), ce jeudi après-midi à la Chambre.

« C’est une réelle pandémie! »

Stefaan Van Hecke (Ecolo-Groen) entame les questions d’actualité par un hommage. « Au nom de mon groupe, je présente mes sincères condoléances à la victime et à sa famille. En tant que société, nous n’avons pas réussi à empêcher ce qui s’est produit. C’est pourquoi nous devons être humbles et combatifs, aussi, en se battant contre la violence sexuelle. Trop de plaintes sont restées sans suite et trop peu de plaintes sont déposées. » Le député écologiste soutient la nécessité de dégager des moyens pour développer des centres d’accueil des victimes et lutter contre le harcèlement les réseaux sociaux.

Valerie Van Peel (N-VA) souligne combien « le pays est sous le choc » après ce qu’a dû subir cette jeune fille de 14 ans. « Mais pourquoi, chers collègues, ce choc n’est pas ressenti tous les jours? De centaines de personnes sont violées tous les jours. Une fille sur quatre est abusée avant l’âge de 20 ans. Cela concerne des filles, des garçons, nos enfants. Et pourquoi, chaque fois, le phénomène disparaît sous les radars! C’est une réelle pandémie, qui cause bien plus de victrimes que le virus. Seuls 4% des victimes déposent plaintes, la moitié des plaintes sont classées sans suites. »

Soyons choqués tous les jours!, clame-t-elle.

« Une priorité absolue »

« Nous sommes à nouveau confrontés à des faits horribles », appuie Marie-Christine Marghem (MR). Vous avez martelé que ce serait une priorité de votre gouvernement. » Le MR soutient un durcissement de la répression et une action à plusieurs niveaux, avec le développement du harcèlement numérique. « Vous avez annoncé que des contacts avec les réseaux sociaux pourraiznt apporter une réponse rapide. Le MR souhaite que cette lutte soit une priorité absolue. Nous souhaitons dire aux auteurs de ces actes odieux qu’ils seront gravement sanctionnés!« 

Mère de deux enfants, Els Van Hoof (CD&V) se dit « choquée » par « ce cauchemar »: « Comment admettre que des jeunes participent à un viol collectif et diffusent ces images sans culpabilité? », demande-t-elle. La députée social-chrétienne demande à son tour quelles sont les actions entreprises pour que cela ne se reproduise plus.

Karin Jiroflée (Vooruit) se demande comment trouver les mots pour répondre à ces familles ayant le sentiment que leurs enfants ne sont pas assez protégés. « En général, un auteur frappe sept fois avant qu’une plainte ne soit déposée », s’indigne-t-elle. « Comment un enfant violé peut-il encore se sentir en sécurité? Trop souvent, la victime se sent corresponsable. » C’est maintenant qu’il faut avancer, insiste-t-elle.

« Comme mère de trois enfants, comme le père que vous êtes, nous partageons cette indignation », souligne encore Katja Gabriëls (Open VLD) Qui insiste à son tour sur la nécessité de durcir l’action.

Le PTB souligne aussi qu’il est « hallucinant » de constater que de telles violences puissent avoir lieu au XXIe siècle, ou encore que les femmes soient trop souvent déclarées corresponsables, que les plaintes restent sans suite… « Je pense à cette fille qui n’a pas trouvé d’aide avant son suicide. Qu’allez-vous faire contre cette impunité? »

Laurence Zanchetta (PS) conclut: ‘Il n’y a pas de mots pour exprimer l’effroi et la détresse. Comment de tels jeunes peuvent-ils commettre des crimes aussi odieux? Comme vous, nous voulons que ces bourreaux soient punis. » La victime a vu son monde « s’effondrer ». « Notre arsenal juridique est insuffisant, dit-elle. Où en est votre plan? »

De Croo: « Oui, c’est une pandémie! »

« Chaque intervention démontre à quel point nous sommes touchés, profondément, personnellement, par la fréquence de ces cas, réplique le Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD). J’étais présent lors de l’hommage à Gand en tant que père de deux fils, de la même catégorie d’âge. Une femme sur trois sera confrontée, au cours de sa vie, à de la violence sexuelle. Une victime sur quatre sont des mineures. Ce sont des chiffres hallucinants. J’avais moi aussi appelé ça une pandémie que l’on doit combattre avec vigueur. »

Dans la majorité des cas, prolonge-t-il, le lieu le plus dangereux, c’est la maison, avec une personne connue. « Nous pouvons êtres plus attentifs, nous adresser plus directement aux services de police. » Le Premier ministre rappelle le développement de nouveaux centres pour accueillir les violences. « Je suis convaincu que c’est une pandémie que nous pourrons combattre ensemble. »

« Dès mon entrée au gouvernement, je me suis mis au travail », insiste Vincent Van Quickenborne, ministre de la Justice. Chaque province du pays accueillera désormais un centre d’accueil des victimes. « Après, il faut poursuivre les poursuites. Là aussi, ce gouvernement a pris des mesures. » Un projet pilote, à Anvers, utilise de nouvelles techniques pour augmenter le nombre de poursuites.

Le Code pénal doit encore être adapté. « Nous avons voulu arriver à un code modernisé, explique le ministre. Le 2 avril, le Conseil des ministres a prévu des sanctions qui seront doublées. Il est prévu vingt-huit ans d’emprisonnement. S’il n’y a pas de consentiment, il y a viol. Nous avons reçu l’avis du conseil d’Etat cette semaine, il serait bon que le parlement adopte ce texte avant l’été. »

La diffusion des images sera aussi plus durement sanctionnée. Des discussions ont eu lieu avec Facebook et Google, pout utiliser la technologie afin d’éviter qu’elles ne soient diffusées. Un point de contact doit être mis en place, jour et nuit, il s’agit aussi de lutter contre le harcèlement en ligne.

« Trop souvent, par le passé, nous avons abandonné les victimes à leur sort, conclut Vincent Van Quickenborne. Avec ce plan, nous voulons faire en sorte qu’elles soient mieux protégées. »

Dans leur réplique, les députés d’opposition clament la nécessit » d’aller plus vite et MarieChristime Marghem raconte l’exemple concret d’une jeune femme, Manon, harcelée sur les réseaux, et insiste sur la nécessité d’agir pour éviter que l’on ne disent encore à l’avenir: « C’est triste, C’était trop tard. »

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