Gérald Papy

La révolution douce, une leçon birmane

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Il y a du Gandhi dans Aung San Suu Kyi. Il y a dans l’incroyable force qu’elle dégage d’une apparence si frêle comme quelque chose de surnaturel.

Quand le gouvernement civil de façade, installé en 2011 par la junte militaire autodissoute, a autorisé la participation de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), au scrutin législatif partiel du 1er avril, Aung San Suu Kyi, aurait pu se complaire dans une opposition pure et dure et préparer l’échéance des élections parlementaires générales de 2015. Elle a préféré tendre la main et saisir l’opportunité offerte par la « feuille de route vers une démocratie disciplinée », établie par les anciens militaires. Aujourd’hui, le pari de la Dame de Rangoon est gagnant. Elle a focalisé l’attention de la communauté internationale sur l’ouverture démocratique, les fraudes redoutées n’ont pas eu lieu et la Ligue nationale pour la démocratie fait son entrée dans les assemblées.

Après quelque cinquante ans de dictatures, la Birmanie et ses 54 millions d’habitants, dont de nombreuses minorités, ne sont pas à l’abri d’une restauration de l’ordre militaire par les officiers qui continuent de tirer les ficelles du régime. D’ailleurs, la crainte d’une révolte populaire sur le modèle des révolutions arabes, les sanctions économiques occidentales ou l’influence croissante et étouffante de la Chine ont plus pesé dans la mue des militaires qu’une soudaine conversion aux idéaux démocratiques. Malgré cela, Aung San Suu Kyi a exprimé sa confiance dans les intentions du président et ancien général Thein Sein. Au risque de s’aliéner le soutien des plus radicaux de ses lieutenants.

Seul l’avenir dira si, in fine, elle a eu raison. Mais, de la sorte, Aung San Suu Kyi nous rappelle les vertus de la révolution lente. Est-ce dû au règne de l’immédiateté consacré par la mondialisation ? Au succès fulgurant, il y a un an, des révolutions tunisienne (1 mois) et égyptienne (3 semaines) ? Le monde les a un peu oubliées, ces vertus : de moindres pertes humaines, une mutation mieux et plus largement acceptée, une maturation propice à une réflexion plus profonde sur l’avenir. Après tout, la démocratisation des pays de l’Europe de l’Est dans les années 1980 a mûri longuement au sein des populations avant d’éclore. Et comme le souligne l’ancien fer de lance de l’opposition anticommuniste en Pologne Lech Walesa, dans un petit livre de souvenirs qui vient de paraître sous le titre Sur les ailes de la liberté (éd. Parole et Silence, lire p. 16), « la voie pacifique qui est faite de prudence et de modération ne signifie absolument pas passivité ou manque de détermination et de courage ; mais bien exactement le contraire ».

Las, une oppression n’est pas l’autre. Et ce qui est possible et souhaitable à Rangoon ne l’est pas nécessairement à… Damas. Car, jamais jusqu’à aujourd’hui, Bachar al Assad n’a eu le geste d’ouverture véritable qui aurait permis à l’opposition syrienne de lui accorder un minimum de… confiance.

GÉRALD PAPY

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire