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La N-VA face à elle-même sur ses thèmes de prédilection

Stavros Kelepouris
Stavros Kelepouris Journaliste pour Knack.be

La N-VA a mis comme aucun autre parti l’accent sur la migration et la sécurité. Mais à la veille des élections municipales, sa politique connaît quelques ratés.

Les politiques de migration et de sécurité adoptées par Francken et Jambon, combinées à un « parler-vrai », qui semble plaire de nombreux électeurs de droite, ont permis au parti de surfer avec constance sur la vague du succès. Avec les élections municipales à venir, la N-VA souhaitait transformer l’essai victorieux du fédéral au niveau local. Cette transition n’a, en soi, rien d’inepte: la migration et la sécurité sont peut-être des questions fédérales, mais les conséquences de cette politique peuvent être ressenties dans les rues des villages et dans les parkings routiers. Sauf que cette stratégie qui s’annonçait prometteuse se révèle beaucoup plus hasardeuse une fois qu’elle est confrontée à la pratique. Surtout depuis que le thème de la migration, qui ronronnait jusqu’à présent, connaît quelques ratés.

Tour de passe-passe ?

La semaine dernière, le secrétaire d’État à l’asile et à la migration, Theo Francken (N-VA), a décidé de libérer, par petits groupes, cent cinquante sans-papiers qui étaient enfermés dans des centres d’asile. Comme tous les centres d’accueil sont complets, ces places désormais vacantes serviraient pour les transmigrants – d’autres sans-papiers donc. Francken ne réalise-t-il pas de cette façon un simple tour de passe ? Le secrétaire d’État ne le pense pas. « Le problème de la transmigration est actuellement une priorité », dit-il. Toujours selon lui, les transmigrants causeraient plus de désagréments que les personnes qui étaient déjà enfermées.

Selon le président du SP.A, John Crombez, c’est un raisonnement absurde. « Avec un certain sens de la mise en scène, les transmigrants sont placés le long de la porte d’entrée du nouveau centre de Steenokkerzeel. Mais dans le même temps, la N-VA laisse filer les autres – et peut-être même des criminels – par la porte de derrière. Ceci est une politique de glissement. On instaure un sentiment de sécurité de pacotille », a déclaré Crombez.

Bien que la chose ait été démentie par Francken dans un premier temps, il semble qu’au moins une des personnes libérées ait commis plusieurs infractions pénales, y compris des vols avec violence. Selon le secrétaire d’État, il s’agit d’une erreur unique de son administration et qui ne se reproduira plus. Il n’empêche que c’est très fâcheux pour Francken. D’autant plus qu’il se vante d’être, par rapport à son prédécesseur, intraitable sur la question de l’expulsion des criminels illégaux.

L’explication de Francken n’a guère plu à la présidente de l’OpenVLD, Gwendolyn Rutten. « Je ne comprends pas que Francken ne se concerte qu’après coup avec son administration. Il bombe le torse, mais le seul résultat est un gros désordre », a déclaré Rutten à Radio 1 lundi matin.

Des partenaires de la coalition qui frôlent la collision

Rutten met aussi en cause le CD & V, car, après tout, ce sont des bourgmestres de leur parti, Daniel Vanhessche à Jabbeke et Dirk Claes à Rotselaar – qui ont émis de vives critiques les dernières semaines contre Francken et Jambon et la fermeture des parkings le long de l’autoroute E40. Selon les deux bourgmestres, les ministres de la N-VA font trop peu pour résoudre le problème. Francken et Jambon y voient, pour leur part, une attaque orchestrée de leur partenaire de coalition en vue des élections municipales du 14 octobre.

Néanmoins, pour répondre à ces plaintes, Jambon et Francken ont présenté un plan d’action national contre la (trans)migration la semaine dernière. L’une des mesures prévoit la création d’un centre administratif national pour les transmigrants, qui sera intégré au centre fermé de Steenokkerzeel, 127bis. Tous les émigrés qui sont arrêtés sur les parkings vont désormais être transférés vers ce centre pour un traitement administratif supplémentaire.

Une mesure d’autant plus surprenante par le fait que Jambon avait, en août, envoyé à la poubelle une proposition similaire du syndicat de la police. « Il est insensé de garder un bureau permanent ouvert si le nombre de migrants en transit est limité. Ce problème n’est actuellement pas à l’ordre du jour », s’était-il écrié à l’époque. On serait donc en droit de se demander s’il y a soudainement plus de transmigrants ou si c’est la fièvre électorale qui s’empare un peu plus de la N-VA.

Parc Maximilien

Pendant ce temps, dans le parc Maximilien à Bruxelles, les problèmes s’accumulent. Hier, un homme a été abattu après avoir attaqué un policier avec un couteau. À la mi-août, Francken a accusé le bourgmestre de Bruxelles, Philippe Close (PS), d’avoir une mauvaise gestion des problèmes du parc Maximilien. « Le bourgmestre et le PS ne veulent pas agir. La dernière action policière a eu lieu il y a plus d’un an », avait déclaré Francken. Close lui a répondu qu’il devrait davantage se concentrer sur son travail plutôt que de perdre son temps sur les réseaux sociaux.

Il est depuis clairement apparu que l’Office des étrangers avait libéré les migrants arrêtés après une journée et les avait déposés devant guichet d’accueil du service à Bruxelles – en d’autres termes, devant le parc Maximilien. « Si Francken accepte qu’on les dépose à cet endroit, il devrait chanter un ton plus bas », a réagi Close. Mario Thys, président du syndicat de la police NPSV, a réagi avec mécontentement: « Si la politique veut qu’on dépose des migrants là-bas, elle crée délibérément une version belge de Calais » peut-on lire dans Het Laatste Nieuws.

Francken est conscient du problème et plaide pour une plus grande capacité en centre d’accueil fermé pour les transmigrants. Bien qu’il y aura plus de places libérées dans les centres fermés l’année prochaine, il demande au gouvernement de créer rapidement encore des places supplémentaires. Cela peut résoudre temporairement une partie du problème, mais les transmigrants ne peuvent en principe être détenus dans des centres fermés que s’il existe une réelle « perspective d’expulsion ». Or pour les demandeurs d’asile originaires de pays avec lesquels la Belgique n’a pas de traité d’extradition ou de pays dangereux, celle-ci est exclue. Pour ces cas-là, on doit trouver une autre solution.

Au final, tout cela donne surtout l’image d’un parti qui semble soudain très vulnérable dans son domaine de prédilection. En plaçant les migrants dans un carrousel qui les enferme ou les libère tous les deux ou trois jours, on ne s’approche guère de la Flandre sûre et prospère promise par la N-VA. Il est difficile de prédire si cela va peser lourd le 14 octobre, mais si les migrants en viennent aux mains en Flandre occidentale, la N-VA ne peut qu’espérer qu’ils ne seront pas simplement déposés par l’administration Francken devant la gare locale.

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