© iStock

« La mafia de la TVA exploite les chômeurs et les drogués »

Kristof Clerix
Kristof Clerix Rédacteur Knack

L’Inspection spéciale des impôts (ISI) constate que des réseaux criminels engagent des chômeurs de longue durée, des alcooliques et des drogués pour falsifier des factures.

Chaque année, le carrousel à la TVA représente un manque à gagner de pas moins de 50 milliards d’euros pour les États européens. Les fraudeurs exploitent la différence entre deux systèmes de TVA différents : sur les biens et services achetés par une entreprise dans un autre pays européen, il ne faut pas payer de TVA alors qu’en Belgique si. Le carrousel à la TVA consiste à combiner les deux systèmes de manière à obtenir un remboursement pour des montants qu’ils n’ont jamais versés aux caisses de l’état.

« Les organisateurs de ce carrousel à la TVA sont des réseaux criminels, souvent impliqués dans d’autres phénomènes criminels tels que la contrebande ou le trafic d’êtres humains », déclare le directeur de l’ISI Frank Philipsen. « Ils essaient de rester hors d’atteinte le plus longtemps possible, en engageant ce qu’on appelle des ‘missing traders’. Ce sont des entreprises qui émettent des factures, mais qui ne soumettent pas de déclaration TVA. Il s’agit souvent de personnes socialement très vulnérables, le type que l’on retrouve autour de grandes gares. Des chômeurs de longue durée, des personnes souffrant de problèmes financiers, des alcooliques et des drogués.

Ces personnes sont engagées par des réseaux criminels pour falsifier des factures et créer des sociétés de façade. On leur donne dix euros pour mille fausses factures par exemple, et cet argent leur permet de financer leur addiction quotidienne. Ils mettent des centaines de signatures sur des documents auxquels ils ne comprennent rien. Ce sont des usines de factures qui prétendent qu’elles ont livré ou fabriqué quelque chose alors qu’en réalité il n’en est rien. Ils gonflent donc artificiellement la TVA déductible. C’est du faux en écriture pur et simple. »

En septembre 2017, la Commission européenne a choisi l’ISI pour mener un projet pendant un an et demi destiné à lutter contre la fraude internationale à la TVA. Philipsen : « Le projet court jusqu’à fin 2018. Il s’agit de l’utilisation de logiciels spécialisés qui font une analyse de risques. Le système compare trois courants transfrontaliers : le courant de biens, le courant de paiement, et le courant de facturation. Nous avons testé le système, appelé Transactional Network Analysis, avec succès au Benelux. Nous souhaitons éliminer ces missing traders le plus rapidement possible, par exemple en supprimant définitivement leur numéro de TVA. »

Parmi les fraudeurs de TVA en Europe, on retrouve notamment des Pakistanais et des Indiens qui opèrent depuis le Royaume-Uni, et un réseau franco-israélien basé à Paris.

Comme le régime de TVA européen est si sensible à la fraude, la Commission européenne a proposé récemment d’adapter les règles. Pour les transactions internationales au sein de l’Europe, les mêmes règles de TVA devraient s’appliquer qu’au sein du même pays. La question, c’est maintenant si les états membres se rangeront unanimement derrière la proposition de la commission.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire