Jules Gheude

La formation du prochain gouvernement fédéral sera très serrée

Jules Gheude Essayiste politique

La formation du prochain gouvernement fédéral sera très serrée. Ce n’est pas nous qui le disons, mais Luc Van der Kelen, l’ancien éditorialiste de  » Het Laatste Nieuws « , dans une opinion publiée sur Knack.

Bien qu’il soit aujourd’hui conseiller politique de B-Plus, cette association dont on connaît l’attachement à la Belgique, Luc Van der Kelen est conscient que la situation belge est extrêmement précaire : « Le problème en Belgique est en effet que la stabilité semble exister, mais qu’à chaque moment elle peut disparaître. En général, nous réglons cela avec une réforme de l’Etat, mais même cette merveilleuse méthode belge a ses limites. À un moment donné, il n’y aura en effet plus rien à réformer, parce que tout paraîtra avoir déjà été réformé. Nous approchons de ce stade à grands pas. »

En 2010, la crise politique belge a duré 541 jours. Ceux qui se présentaient alors comme « demandeurs de rien » ont finalement accepté une sixième réforme de l’Etat, qui n’a fait que rendre le processus de décision plus complexe, voire, dans certains cas, impossible. Le 28 avril 2016, Jean Quatremer, le correspondant à Bruxelles du journal « Libération », constatait que « cinquante ans de lutte communautaire entre Flamands et Wallons et le détricotage de l’Etat central au profit des régions (six réformes constitutionnelles depuis 1970) ont conduit le royaume dans une voie sans issue : impotence, incompétence, irresponsabilité. »

A l’Open VLD, au MR et au CDH, des voix s’élèvent aujourd’hui pour souhaiter la refédéralisation de certaines compétences, dans un but de plus grande efficacité. Mais Luc Van der Kelen est formel : « Aujourd’hui, la chance est faible pour de grandes réformes administratives. Même pour la refédéralisation de certaines compétences, comme le commerce extérieur, ou pour l’introduction d’une circonscription électorale fédérale, ce qu’une organisation comme B-Plus continue de défendre. En Flandre, les partis flamingants, du Vlaams Belang à la N-VA en passant par le CD&V, n’y sont pas favorables. On trouve juste quelques voix positives chez les Jeunes CD&V. »

Telle est, en effet, la réalité ! Aussi est-il vain de mener des combats d’arrière-garde, comme le fait, par exemple, Philippe Van Parijs (lui aussi membre de B-Plus) en proposant de diviser la Belgique en quatre régions (une flamande, une wallonne, une bruxelloise et une germanophone), avec l’usage de l’anglais comme trait d’union.

Luc Van der Kelen parle des partis flamingants. Il n’ignore pas que ceux-ci éprouvent une aversion profonde pour Bruxelles, région à part entière.

Luc Van der Kelen souligne aussi la position forte de la N-VA. Pour son président, Bart de Wever, Flamands et Wallons vivent sur deux planètes et constituent deux démocraties. Aussi veut-il que cet état de fait se reflète dans un projet confédéral : un niveau belge réduit à sa plus simple expression, avec deux Etats – la Flandre et la Wallonie – entre lesquels chaque Bruxellois devra choisir pour ce qui concerne les matières dites communautaires: impôt des personnes, système de sécurité sociale,… Bref, une Belgique transformée en coquille vide et qui ne manquerait pas d’apparaître très vite comme superflue.

Le projet confédéral de Bart de Wever: une Belgique transformée en coquille vide et qui ne manquerait pas d’apparaître très vite comme superflue.

N’oublions jamais que l’idée confédéraliste a été lancée, au début des années 90, par le ministre-président flamand Luc Van den Brande (un démocrate-chrétien) et qu’elle a été approuvée par le Parlement flamand en 1999. Comment le président du CD&V, Wouter Beke, pourrait-il aujourd’hui ne pas appuyer cette réforme, lui qui, le 22 septembre 2007, avait déclaré au journal québécois « Le Devoir » : « Nous voulons une véritable confédération où chacun pourra agir comme il l’entend. (…) Si les francophones n’acceptent pas de lâcher du lest, nous n’aurons pas d’autre choix que l’indépendance. »Voilà qui a le mérite de la clarté !

Luc Van der Kelen aborde alors le point crucial. Si les négociations aboutissent à une impasse, s’il y a peu d’alternatives, Bart De Wever peut mettre le confédéralisme sur la table. Le PS bloquera-t-il à nouveau ?

Aujourd’hui, Elio Di Rupo ne veut rien savoir de ce confédéralisme. Mais il était aussi contre la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde, sans extension de Bruxelles. On sait ce qu’il en est advenu.

S’il analyse les sondages, Elio Di Rupo sait que le PS a de grandes chances de revenir au pouvoir wallon au lendemain des élections de l’an prochain. Luc Van der Kelen semble, lui aussi, convaincu de la chose : Si le MR (…) ne parvient pas à capitaliser sur sa position exceptionnelle, alors la coalition fédérale ne pourra conserver sa majorité et le gouvernement wallon risque de prendre la forme d’une coalition de gauche. (…) Pour Magnette, Di Rupo et consorts (…) le niveau fédéral arrive à une place secondaire. Gouverner dans sa propre région est primordial.

Mais Elio Di Rupo sait aussi que la Wallonie devra tirer son plan toute seule. L’extinction progressive des transferts financiers en provenance de Flandre – quelque 7 milliards d’euros – est, en effet, programmée. Une situation qui deviendra vite intenable pour la Wallonie et qui l’amènera à se serrer la ceinture.

En 1981, François Perin avait prédit cette évolution : Les Wallons pourraient se retrouver indépendants à leur corps défendant, contraints à une discipline dont ils n’ont aucune idée.

Dans l’esprit de la N-VA, le confédéralisme devrait être la dernière étape avant le séparatisme. L’article 1er de ses statuts évoque clairement l’émergence d’une République flamande souveraine.

Tenter de maintenir la Belgique par de nouvelles discussions interminables, serait donc insensé. Puisque la mort du royaume est programmée, passons directement à la phase finale! François Perin se plaisait à répéter : Le mort est mort et bien mort, mais on ne veut pas voir qu’il est mort !

Nous avons déjà eu l’occasion d’expliquer comment nous envisagions l’avenir de la Wallonie. Comme l’a confirmé le constitutionnaliste français Didier Maus, il serait parfaitement possible d’insérer dans la Constitution française un statut particulier d’intégration-autonomie, qui permettrait de conserver en l’état, au moins pour l’essentiel, et pour une durée à déterminer le droit belge du travail, celui de la sécurité sociale, et certains droits « connexes », des pans du droit fiscal, le droit des affaires, du commerce, etc. La région wallonne, et aussi la région bruxelloise si la question était posée, conserveraient les compétences qui sont aujourd’hui les leurs, y compris le système éducatif, avec l’enseignement supérieur.

(1) Derniers ouvrages parus : « François Perin – Biographie », Editions Le Cri, 2015 et « Un Testament wallon – Les vérités dérangeantes », Mon Petit Editeur, 2016.

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