La flexibilité au travail, une vraie nécessité?

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Esquisse d’un portrait-robot du travailleur de demain: toujours plus flexible, moins coûteux, à double ou triple emploi. Que du bonheur? Décryptage avec Matthieu Dewèvre, conseiller affaires sociales à l’Union des classes moyennes (UCM).

Le flexi-job cartonne depuis son instauration en décembre 2015. Que lui trouve-t-on de si attrayant?

Il est accueilli dans le secteur privé comme une opportunité de disposer d’une main-d’œuvre complémentaire pas trop coûteuse. Son principal atout réside dans sa très grande flexibilité puisqu’il offre la possibilité, sur la base d’un contrat-cadre, de faire appel à un travailleur d’un jour à l’autre sans devoir passer par un CDD de plusieurs jours ou en évitant de se retrouver dans le cadre d’un CDI. Et ce, pour un coût relativement faible (NDLR: le flexi-job échappe aux cotisations sociales ordinaires et au précompte professionnel) limité à une cotisation patronale spéciale de 25% sur le flexi-salaire.

Sa généralisation doit donc aller de soi?

La formule a du sens et en exclure certains secteurs d’activités dans la sphère privée me paraît excessif. En fait, c’est au secteur lui-même que doit revenir le droit de ne pas souhaiter l’introduire, comme l’ont décidé l’agriculture et l’horticulture qui ont préféré conserver le système de la carte cueillette. La généralisation du flexi-job répond au vœu de l’ensemble des organisations du monde indépendant d’une ouverture à une large flexibilité sur le marché du travail.

Le ministre fédéral du Travail, Pierre-Yves Dermagne, ne souhaite pas que «les flexi-jobs remplacent les emplois réguliers». L’UCM prône-t-elle des emplois irréguliers?

Non, mais nous sommes favorables à la possibilité de recourir à des gens qui ont une occupation professionnelle irrégulière.

Le flexi-job n’a pas forcément bonne réputation: l’assimiler à un hamburger-job est-il injustifié et donc injuste?

Le flexi-job s’adresse, à titre d’occupation complémentaire, à des gens qui ont par ailleurs des droits sociaux dans le cadre d’une activité principale. C’est donc abusivement qu’il est associé au contrat «zéro heure» répandu en Angleterre (NDLR: l’employeur ne mentionne dans le contrat aucune indication d’horaire ou de durée minimale de travail. Le salarié est rémunéré uniquement pour les heures travaillées et doit pouvoir se rendre disponible à tout moment de la journée).

Peut-on être un flexi-travailleur content?

Le flexi-job permet d’accroître son revenu sans qu’il soit fiscalement imposé (NDLR: le salaire brut est égal au salaire net), il peut aussi offrir la possibilité d’étoffer un réseau de collègues au travail, aider un jeune à mettre le pied à l’étrier du marché de l’emploi par l’acquisition d’une expérience. Ceci étant, nous ne disons pas que le flexi-job est la panacée universelle. Il doit rester une possibilité parmi d’autres.

L’avenir appartient-il aux formules hybrides de travail?

De plus en plus d’entreprises ont besoin de travailleurs de plus en plus flexibles, engagés pour des tâches précises, sur le plan des horaires comme sur le plan salarial. C’est aussi le cas du freelancing, ou le recours à des indépendants qui n’ont pas vocation à devenir chef de PME mettent leurs compétences à la disposition d’un nombre restreint de clients. L’aspiration à la flexibilité peut venir tant du travailleur que de l’employeur, mais elle se heurte à un cadre légal sur la durée du travail, datant de 1971, et qui, depuis, n’a pas été réformé en profondeur alors que tout a changé dans l’organisation du marché du travail. Mais les lignes bougent.

Matthieu Dewèvre © National

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