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L’étrange prêt de Lucien D’Onofrio à Alain Courtois (MR): « J’avais un problème d’impôts à payer »

David Leloup
David Leloup Journaliste

Comme Le Vif le révélait mercredi, une instruction judiciaire a été ouverte à l’encontre de Lucien D’Onofrio. L’ancien homme fort du Standard est soupçonné d’avoir blanchi près de 10 millions d’euros. Il a également accordé des prêts surprenants à des personnalités. Comme au… libéral bruxellois Alain Courtois. Explications.

Coûteuses montres, voitures de luxe, achat d’un Van Gogh… Où sont passés les 9,5 millions ? Lucien D’Onofrio est soupçonné d’avoir blanchi précisément 9 532 101 euros provenant de l’étranger sur une période de cinq ans, comme le détaille un document rare que Le Vif et la RTBF ont pu consulter.

Comme le révèle notre enquête, une instruction judiciaire a été ouverte. La justice liégeoise s’interroge sur l’origine de ce montant, en particulier sur celle de 4,5 millions versés depuis la Suisse et le Portugal sur le compte privé de l’ancien dirigeant du Standard. La Cellule de traitement des informations financières (CTIF; organe indépendant de lutte contre le blanchiment d’argent) estime qu' »apparaissent des indices sérieux de blanchiment de capitaux provenant de la criminalité organisée« .

Ces 4,5 millions d’euros ont été investis dans des objets de luxe, donc, mais aussi dans différentes sociétés liégeoises: le festival Les Ardentes (250 000 euros), la société de gardiennage Protection Unit (350 000 euros), Mithra (1,4 million d’euros)…

Plus surprenant: d’étranges prêts accordés à une catégorie très particulière d’individus: des «PEP». «Les PEP sont des personnes exposées politiquement, c’est-à-dire des personnages politiques influents ou des proches de ces personnages politiques. Ça peut être un frère, un ami…», précise Eric Vernier, docteur en sciences de gestion et expert antiblanchiment. «Les banques doivent mettre en place des procédures renforcées de vigilance pour les PEP, c’est-à-dire regarder de plus près encore les comptes et les opérations de ces personnes.» En effet, le risque de corruption ou de criminalité financière est beaucoup plus élevé chez les individus qui ont accès au pouvoir politique.

Trois personnes politiquement exposées au moment des prêts apparaissent dans le rapport de la CTIF. Il s’agit d’Alain Courtois, alors premier échevin libéral à Bruxelles et député au parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, d’Yves Bacquelaine, frère du ministre MR des Pensions Daniel Bacquelaine, et de Gaetano Lana, entrepreneur ansois et homme de confiance de Stéphane Moreau, alors bourgmestre PS d’Ans et patron de Nethys.

Alain Courtois BELGA PHOTO BENOIT DOPPAGNE

La société Podium a prêté 70 000 euros à Alain Courtois au cours de l’été 2015. «C’est un prêt privé que j’ai contracté avec monsieur D’Onofrio, confirme le libéral. J’avais un problème d’impôts à payer, il m’a aidé. Voilà, point. Il n’y a pas grand monde à qui je peux demander une somme pareille.» Alain Courtois n’a pas encore remboursé complètement Lucien D’Onofrio. En août 2022, sept ans après l’octroi de ce prêt, il lui devait encore 21 000 euros, principalement des intérêts. Car Lucien D’Onofrio ne perd pas le nord: le taux du prêt serait de 7% par an!

Yves Bacquelaine, lui, a reçu 80 000 euros de Podium en 2018. Il dit également que c’était un emprunt destiné à payer ses impôts, et qu’il l’a remboursé intégralement. Il n’a pas accepté de nous montrer les preuves du remboursement. Son frère Daniel déclare «très radicalement» qu’il n’était pas du tout au courant de ce prêt de D’Onofrio à son frère Yves.

Plus surprenant encore est ce prêt de 300.000 euros accordé en 2015 par Podium à Gaetano Lana, l’entrepreneur ansois proche de Stéphane Moreau. En 2007, Lana et Moreau s’étaient associés pour créer la société anonyme GLM Invest. En 2010, avec l’homme d’affaires bruxellois Dominique Janne, ils avaient le projet d’investir dans l’immobilier à Chypre. La CTIF n’a trouvé aucune trace de remboursement de ce prêt par Gaetano Lana en 2016, 2017 et 2018. «Il est possible de prêter de l’argent et de demander le remboursement dans cinq ou six ans, mais c’est assez rare, surtout entre particuliers», s’étonne Eric Vernier. Contacté par téléphone, Gaetano Lana nous a raccroché au nez dès la simple évocation de ce prêt. Stéphane Moreau n’a pas donné suite à nos appels.

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