A Anderlecht, les fusillades continuent malgré des mesures strictes:«Ils se tirent dessus à moins de 40 mètres de nos patrouille.» © BELGA

A Anderlecht, les fusillades continuent malgré des mesures strictes: «Ils se tirent dessus à moins de 40 mètres de nos patrouilles»

Nouvelle fusillade dans la nuit du 29 au 30 juillet à Cureghem. Une personne a été grièvement blessée à quelques dizaines de mètres d’une patrouille. Malgré les barrages et la présence policière renforcée, les tirs se poursuivent dans ce quartier d’Anderlecht marqué par une guerre des gangs persistante.

La situation est au point mort à Cureghem, quartier d’Anderlecht voisin de la gare du Midi. Malgré les patrouilles quotidiennes renforcées, les nombreux points de contrôle et la transformation de la place Clémenceau en une zone barricadée, les fusillades continuent. «Parfois, ils se tirent dessus à moins de 40 mètres de nos patrouilles. La présence policière dissuasive ne suffit pas», avoue le bourgmestre d’Anderlecht, Fabrice Cumps (PS), en réaction à la dernière fusillade en date, dans la nuit du 29 au 30 juillet. Une personne a été gravement blessée par plusieurs balles et l’auteur des faits n’a pas encore été retrouvé.

Depuis le début de l’année, c’est la 38e fusillade recensée dans le périmètre qui comprend les environs de la gare du Midi et plusieurs rues proches de la place Clémenceau, particulièrement visée par la guerre des gangs en cours.

Loin de s’améliorer, la situation crée un sentiment de méfiance des citoyens face aux autorités et institutions publiques. Depuis 2022, avec des pics de violence en 2023, les habitants de Cureghem doivent composer avec la menace potentielle des fusillades en pleine rue, des incendies criminels et des attaques au couteau. Une soixantaine de citoyens se sont organisés sur les réseaux sociaux pour tenter de faire entendre leur voix auprès des pouvoirs publics. Ces derniers ont adressé une lettre ouverte à Fabrice Cumps, qui détaille leurs inquiétudes et dénonce l’insécurité toujours aussi présente dans le quartier malgré des mesures sécuritaires importantes.

Un commerçant dans l’horeca, préférant garder l’anonymat par peur de représailles sur son enseigne, fait part de ses revendications: «Rien n’a changé en deux ans. Je ne blâme pas les forces de l’ordre et les policiers qui essayent de faire leur travail, mais je ne parviens pas à comprendre comment c’est possible que la situation stagne à ce point. Cureghem, c’est petit. Il y a assez de policiers pour sécuriser la zone. Je ne peux pas y voir autre chose qu’un manque de volonté. Nous sommes laissés à l’abandon et, en attendant, nos revenus en prennent un coup.»

De son côté, Fabrice Cumps dit comprendre le sentiment de ras-le-bol de ses citoyens, mais ne partage pas les critiques à l’encontre de son administration. «Cureghem est la zone où nous avons le plus investi, où il y a le plus de contrôles. Nous avons dégagé un budget spécial pour gérer la situation. Aujourd’hui, il n’y a pas tellement plus que nous puissions faire. Je ne vois que deux scénarios possibles: que les pouvoirs publics l’emportent sur les cartels, ou qu’un gang gagne la guerre pour que les violences se stabilisent avec le risque qu’il gagne en puissance et soit encore plus difficile à démanteler.»

Traque aux «faux commerces»

La traque aux gangs et la lutte contre la violence liée au trafic de stupéfiants passent aussi par des contrôles accrus des commerces du quartier de Cureghem. Le commerçant anonyme témoigne d’une double peine: «Nous devons vivre avec la peur de recevoir une balle perdue à toute heure de la journée, que notre commerce soit touché, dégradé. Nous devons déjà fermer à une heure du matin sous risque d’amendes. Et maintenant, il y a cette chasse au blanchiment qui transforme une erreur de caisse en un soupçon de complicité. Je n’ai jamais vu un quartier aussi punitif pour ses habitants, tout en étant autant insécurisé. Il faut nous laisser respirer.»

Ces derniers jours, les contrôles de commerces soupçonnés de blanchiment d’argent, d’employer des personnes sans contrat ou en situation d’irrégularité se sont amplifiés. La ministre fédérale des Classes moyennes, des Indépendants et des PME, Eléonore Simonet (MR), a suivi l’une des opérations de la police fédérale. Cette dernière, native d’Anderlecht et petite-fille de l’ancien bourgmestre de la commune Jacques Simonet (MR), s’est dite concernée par la situation. «Il faut une approche multidisciplinaire. On pense directement aux ministres de l’Intérieur ou de la Justice, mais j’ai aussi un rôle à jouer. En tant que ministre d’abord, mais aussi par mon attache particulière à cette commune. De mon côté, je me concentre sur les faux commerces de la zone. Ces machines à laver de l’argent sale. J’ai participé à une action de terrain à Anderlecht avec la police fédérale et locale. Sur sept commerces contrôlés, six étaient en infraction. Que ce soit de l’argent ou du personnel non déclarés, de la possession de stupéfiants… Ces commerces gangrènent la qualité de vie des habitants et participent à la criminalité dans le quartier.»

Les commerces de Cureghem doivent rester fermés tous les jours entre une et six heures du matin jusqu’au 4 septembre. Les contrevenants risquent une amende de 350 euros. La mesure pourrait être prolongée au-delà de cette date, selon la délibération du conseil communal d’Anderlecht.

Des mesures fédérales en appui?

«Nous avons arrêté presque tous les auteurs de tirs depuis le début de l’année. Les profils sont souvent les mêmes, des jeunes, parfois mineurs, à qui on donne une arme, une heure, un lieu, une cible, et à qui on promet de l’argent. Ce sont des jeunes en situation de précarité. Pour lutter contre l’enrôlement de ce genre de profils, il faut remonter à la source des problèmes», assure le bourgmestre d’Anderlecht.

Fabrice Cumps salue la mesure gouvernementale qui élargit la possibilité de déchéance de la nationalité belge aux auteurs de crimes graves. Sont compris ceux qui détiennent une double nationalité, dont la belge, et qui participent à de la criminalité organisée. Le bourgmestre y voit un moyen de lutter contre une partie du multirécidivisme. «Nos agents arrêtent les mêmes responsables parfois six, sept, huit fois. Ils sont relâchés, puis ils recommencent. Faciliter le départ de profils problématiques ne me paraît pas être une mauvaise idée. Ça pourrait aider à contrôler la situation.»

Pour ce qui est de la fusion des zones de police bruxelloises, le bourgmestre n’est pas un grand fan de l’idée. La mesure devrait se mettre en place d’ici un an. Mais deux problèmes se posent déjà pour le socialiste: «Premièrement, on ne peut pas rester comme ça pendant un an. Deuxièmement, je pense que ça sera contre-productif. Nous avons déjà une très bonne collaboration avec la police fédérale. Nos agents ont une bonne relation de proximité avec les citoyens de la commune. C’est sur ce lien humain qu’il faut viser. Il est crucial de garder un contact accessible entre forces de l’ordre et citoyens, tant pour expliquer nos mesures que pour rassurer, réinstaurer de la confiance.»

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