Christine Laurent

Jeux périlleux

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

« A genoux dans la neige. » Pauvre Elio Di Rupo, si démuni après toutes les concessions faites aux Flamands !

Une image forte lâchée au détour d’une conversation téléphonique par le SP.A Frank Vandenbroucke, alors que traînaient dans le coin les oreilles indiscrètes du porte-parole de la N-VA. Vandenbroucke, le roi des gaffeurs qui, fin novembre, récidivait avec l’envoi, par erreur, d’un courriel confidentiel flinguant la note de Johan Vande Lanotte et… la N-VA à un destinataire pas nécessairement bien intentionné. Objectif : torpiller les négociations ? Pas sûr, tant l’homme est coutumier du fait, un véritable éléphant (animal particulièrement intelligent par ailleurs) dans un magasin de porcelaine. Entre-temps, il a été sacrifié, « obligé » de démissionner. Mais soit, passons. L’essentiel n’est pas là. A peine une broutille à la marge, histoire d’amuser la galerie qui en a vu d’autres. Car, sur le fond, le problème reste entier : qui, parmi les sept protagonistes engagés dans les joutes institutionnelles, osera encore conclure ? Après les envolées optimistes de la semaine dernière, l’inversion de courant nous a amené ce mercredi le pessimisme plombant. Bart De Wever veut-il vraiment mettre Elio Di Rupo à genoux ? Et, avec le soutien du CD&V, renvoyer Vande Lanotte à ses chères études ? A quel petit jeu joue donc le SP.A ? Autant d’interrogations, autant de mystères. Jusqu’à en donner le tournis.

Le président de la N-VA ne s’en est jamais caché, il éprouve une véritable allergie à l’égard de l’Etat PS. Au point de le faire tanguer sous les coups de boutoir de ses exigences ? La répulsion de De Wever est-elle purement idéologique ? Ou bien stratégique, histoire de pousser Di Rupo dans ses derniers retranchements ? Et que dire de ses relations avec les socialistes flamands, pas davantage en odeur de sainteté à la N-VA, semble-t-il, malgré un deal régional ? Trop à gauche, le SP.A ? Le Nord qui regarde à droite, le Sud à gauche ou l’impossible rapprochement… Pas si sûr si l’on en croit le commissaire européen Open VLD Karel De Gucht : « Où ça, des partis de droite en Flandre ? […]. La N-VA n’est certainement pas un parti de droite sur le plan socio-économique. Il n’y a pratiquement pas de parti de droite en Flandre », s’insurge-t-il, cette semaine, dans nos colonnes. Et d’ajouter : « La Wallonie a deux visages : au niveau régional, elle mène une politique libérale […], en revanche, elle pratique une approche beaucoup plus à gauche au niveau fédéral, là où s’organise la protection sociale. Ce constat vaut pour le PS et le CDH. » Jeux de dupes ou jeux de rôle ?

Le niveau fédéral, LE lieu de tous les dangers, là où l’affrontement Di Rupo-De Wever est inévitable. Drôle de rencontre pour un couple bien mal assorti, mais dont le mariage, pourtant, élections ou non, est inévitable. Peur de l’autre, peur des réactions discordantes dans leurs rangs, peur des tensions inévitables, peur d’échouer… L’angoisse paralyse les sept partis. Comment aller, demain, défendre devant l’électeur un compromis enlevé à la hussarde et qui a conduit droit dans le mur ? « Un blocage plus psychologique que mental », analyse le ministre d’Etat Mark Eyskens. Un blocage fiévreux pourtant qui a failli faire exploser, une nouvelle fois, le thermomètre. Tout doit changer pour que rien ne change… Chaque jour, l’odyssée des sept peut virer au naufrage. Et, entre-temps, le compteur tourne, tourne…

Christine Laurent

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire