Philippe Defeyt

Je ne veux pas du chèque-énergie (carte blanche)

Philippe Defeyt Economiste

Je ne veux pas du chèque-énergie parce que je n’en ai pas besoin et que je préfère voir mieux soutenus les ménages en difficultés. Une carte blanche de Philippe Defeyt, économiste et directeur de l’Institut pour un développement durable (IDD).

Hier, sur le plateau de la RTBF, Pierre-Yves Dermagne a dévoilé la proposition du PS de distribuer à chaque ménage un chèque énergie de 100 euros. Pourquoi à tous les ménages ? « Parce que c’est difficile de faire des distinctions ».

Cette proposition et cette réponse en disent long sur les errements politiques de l’heure.

  1. Comment peut-on justifier de donner une somme identique à tous les ménages, même si, reconnaissons-le, c’est déjà mieux que d’abaisser la TVA à 6% ce qui favorise les ménages plus aisés ? Certes, d’autres propositions en matière de revenus (comme le revenu de base) sont aussi forfaitaires ; mais ces modèles de redistribution s’accompagnent d’ajustements en haut de l’échelle des revenus.
  2. Comment peut-on donner un chèque de 100 € aux propriétaires, en nombre croissant, de panneaux photovoltaïques dont la consommation d’énergie nette est faible voire négative ?
  3. Comment peut-on affirmer qu’il est difficile de faire des distinctions ? Il existe de nombreux seuils dans le droit social belge, dont celui de l’intervention majorée en soins de santé (statut BIM). Les ménages bénéficiaires représentent environ 20% des ménages. Ce serait déjà une priorité compréhensible et facile à mettre en oeuvre. Et, preuve que cela marche, c’est le ciblage retenu pour l’extension du tarif social.
  4. Comment peut-on affirmer qu’il est difficile de faire des distinctions alors que le gouvernement Vivaldi a introduit, et prolongé 4 fois, une prime de 50 € uniquement pour les ménages bénéficiaires du revenu d’intégration (RIS), de la Grapa (pensionnés) ou de l’ARR (allocation de remplacement de revenus pour les personnes porteuses d’un handicap). Au demeurant, cette mesure a créé de nombreuses inégalités parmi les ménages à petits ou faibles revenus, sans que cela n’émeuve grand monde, y compris à gauche.

Les crises et l’impréparation structurelle de notre système de protection sociale à les affronter de manière efficace, efficiente et équitable, conduisent forcément à des errements politiques, voire à la course à l’échalote.

Dommage, et on paiera les conséquences pendant longtemps.

En attendant, je refuserai le chèque s’il est accordé, ou en ferai un meilleur usage si on me force à l’accepter.

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