Namur

Intempéries: il faut apprendre à habiter autrement

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Dopées par le réchauffement climatique en cours, les inondations de forte intensité vont s’inviter de plus en plus souvent dans les lieux de vie. Elles nous condamnent à repenser en profondeur notre façon de nous loger et d’exploiter la terre. Des pistes existent pour concevoir un terrain d’entente entre l’eau et l’homme. Inventaire.

Inutile d’invoquer la clémence des cieux pour espérer ne plus être submergé, englouti, dévasté. Le calme revenu après la tempête, le procès en responsabilités s’ouvre. Urbanisation souvent anarchique, techniques agricoles inadaptées, les coupables sont tout désignés. Trop de parkings en tarmac, trop de bâti en zone inondable, des canalisations obsolètes, des ouvrages d’art bouchés, des caniveaux sous-dimensionnés, plus assez de bocages et de prairies permanentes pour assurer une rétention des eaux, des lits de rivière encombrés de déchets plastiques. Faut-il s’étonner que la nature finisse par se rebiffer, à force d’être maltraitée ? C’est aussi la main de l’homme qui a précipité une bonne partie de la Wallonie sous l’eau. « On construit dans des zones avec ale?as d’inondations, on bitume, on goudronne, on fait de la construction un peu a? tout-va », déplorait encore début juin au Parlement wallon la députée Ecolo Hélène Ryckmans. Tout concourt à imperméabiliser le sol, à le rendre incapable d’absorber des quantités phénoménales d’eau.

A problèmes multiples, vision globale et intégrée, recommandent unanimement les experts. C’est la façon d’aménager le territoire et de concevoir le bâti qui sont à repenser en profondeur et d’urgence. L’exercice passe par le renoncement à de mauvaises habitudes. Comme ces constructions en zones inondables, de mieux en mieux encadrées et de moins en moins permises, mais qui restent pointées du doigt. Intensifier le levier des primes d’assurances élevées à payer pour ce type de localisation pourrait avoir un effet dissuasif. En espérant aussi que la dramatique leçon infligée par ces dernières inondations soit retenue par les candidats propriétaires.

Il va falloir s’habituer à la présence de nouveaux dispositifs dans le paysage

Mater la fureur des eaux n’est pas une bataille perdue, des parades existent. Giser, le site du SPF Wallonie dédié à la gestion intégrée du sol, aux phénomènes d’érosion et de ruissellement, en publie l’inventaire. Il va falloir s’accoutumer à un nouveau vocabulaire, s’habituer à la présence de nouveaux dispositifs dans le paysage : des prairies en thalweg ; des barrages perméables ; des fossés à redents ; des avaloirs avec bac de sédimentation ; des mares tampon ; des barrages de correction torrentielle destinés à casser la force du torrent ; des zones d’immersion temporaires de petite, moyenne ou grand modèle, qui doivent permettre aux cours d’eau de sortir de leur lit sans inonder les zones habitées.

Avenue Désiré Yernaux
Avenue Désiré Yernaux© Kevin Dochain

Les autorités wallonnes ne restent pas inactives, un plan PLUIES rassemble une batterie de mesures visant à prévenir les risques d’écoulement. Une carte des aléas d’inondation est actualisée afin de coller au mieux à la situation sur le terrain.

Début juin, interpellés sur ces défis colossaux à relever, le ministre-président Willy Borsus (MR) et la ministre en charge de l’Environnement Céline Tellier (Ecolo), rappelaient les lignes de force du programme déjà en cours : une sévérité renforcée dans l’octroi de permis de construction, un investissement dans les couverts végétaux, la plantation de haies pour lutter contre l’érosion des sols, la recréation de méandres autour des cours d’eau. Comme le souligne la cellule Giser, prévenir ou atténuer l’inondation par ruissellement de l’espace rural passera aussi par « un ensemble de petits aménagements, peu coûteux, durables, qui peuvent être entretenus avec l’outillage classique d’une commune rurale ». Les petits ruisseaux font les grandes rivières.

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