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Inquiétudes face à une montagne de lait en poudre

Le Vif

Des centaines de milliers de sacs de lait en poudre s’entassent dans un entrepôt à Herstal. Ces stocks massifs, constitués par l’Union européenne au plus fort de la crise du lait, inquiètent désormais les producteurs.

« Quand je suis rentré, que j’ai vu ça, en tant qu’agriculteur, je suis tombé raide », s’esclaffe Erwin Schöpges, membre du syndicat European Milk Board (EMB), qui représente environ 100.000 producteurs de lait.

C’est un entrepôt de 10.800 mètres carrés dans une zone industrielle à Herstal que fait visiter l’EMB à des journalistes. Quelque 553.000 sacs, soit près de 12.800 tonnes de lait écrémé en poudre, sont empilés dans une impressionnante perspective.

Depuis juillet 2015 et à un rythme accéléré en 2016, la Commission européenne a stocké, par l’intermédiaire des Etats membres, des centaines de milliers de tonnes de lait en poudre pour tenter de stabiliser les marchés, plombés par la crise et la surproduction.

Et pour Romuald Schaber, président de l’EMB, le lait en poudre est désormais « un obstacle à la reprise du marché sur le long terme ».

Si le prix du lait s’est redressé, celui du lait en poudre a chuté d’un tiers en un an. Le syndicat craint que la remise sur le marché des stocks mis en réserve aggrave encore la situation.

Au dernier relevé de l’Observatoire européen du lait, daté du 18 janvier, pas moins de 378.578 tonnes dormaient dans des entrepôts européens, principalement en France (71.740 tonnes), en Belgique (66.235 tonnes) et en Allemagne (65.571 tonnes).

-‘Vente à perte’-

Paris et Bruxelles ont d’ailleurs prévu d’évoquer le sujet lors du prochain Conseil des ministres de l’Agriculture lundi.

« La région wallonne a acheté plus de 38.000 tonnes entre août 2015 et août 2016, soit 10% de ce qui a été acheté dans l’UE », explique Jean-Luc Cuvellier, directeur auprès de l’organisme payeur de Wallonie (la Belgique a délégué ses compétences agricoles à ses régions), présent lors de la visite.

Cette dépense sera remboursée par la vente de ces stocks, que l’UE compensera en cas de pertes.

La Commission jusqu’à présent a fait preuve de précaution dans la mise aux enchères de ces stocks. Seulement 220 tonnes ont été vendues par adjudication en 2017, un mélange de prudence pour éviter de porter préjudice au marché et de faible intérêt des opérateurs, expliquait le commissaire européen à l’Agriculture Phil Hogan aux ministres des 28 en octobre dernier.

Les ventes se sont accélérées en janvier, avec 1.864 tonnes écoulées, mais pas de quoi satisfaire les producteurs.

La Commission « a acheté entre 18 et 20 centimes le kilo, et (lors de la dernière adjudication) les stocks ont été vendus à 11-12 centimes », explique Erwin Schöpges.

« Comment est-ce possible (…) de vendre à perte? Il y a en plus 10 millions de frais de stockage pour toute l’UE en 2017. Si vous êtes un directeur d’entreprise et que vous travaillez comme ça, il faut vous poser des questions », déplore-t-il.

La durée de vie de cette poudre de lait est estimée à trois ans, mais sa valeur se déprécie avec l’âge, souligne M. Cuvellier.

Parmi ses revendications, l’EMB réclame un plafonnement de la production de lait et un prix d’intervention à 30 centimes le kilo.

« Nous les agriculteurs devons nous unir pour défendre un prix du lait qui couvre les coûts de production, y compris un salaire, soit 45 centimes », plaide M. Schöpges.

La Commission de son côté s’attache à limiter désormais l’augmentation des stocks, alors que s’ouvre le 1er mars la « période d’intervention », durant laquelle l’UE est contrainte d’acheter jusqu’à 109.000 tonnes au prix fixe d’intervention.

Elle a demandé aux Etats membres d’accepter d’abaisser le plafond à zéro, pour que les ventes se fassent directement aux enchères.

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