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Immigration et asile : le tour des Flamands

Conséquence de la crise de l’asile : le débat parlementaire bat son plein sur les questions de l’immigration. La question du regroupement familial évitera-t-elle l’écueil communautaire ? Décryptage.

La Belgique se fissurera-t-elle encore davantage sur le dossier de l’immigration ? Cela semble être le calcul de la N-VA qui s’intéresse au débat avec une soudaineté suspecte. En effet, la régularisation de 2009 est passée, côté flamand, comme une concession aux francophones. « A tort », reconnaît aujourd’hui Herman Van Rompuy qui était alors Premier ministre. En revanche, les exigences prétendument flamandes (sur le code de nationalité, le regroupement familial, la lutte contre les mariages forcés ou de complaisance) sont restées en rade sous Leterme II.

Avant la démission du dernier gouvernement, la modification du code de nationalité avait pourtant franchi le cap du Conseil des ministres. Mais les négociations sur un durcissement des conditions du regroupement familial patinaient toujours en « intercabinets », moins à cause de dissensions Nord-Sud qu’en raison d’oppositions idéologiques entre les ailes gauche et droite de l’exécutif.

Désormais, le débat refait surface, avec une rare vigueur, au Parlement qui n’a pas grand-chose d’autre à se mettre sous la dent. Les propositions de loi tombent comme des flocons de neige. Hormis la surenchère attendue de la N-VA et même si Ecolo-Groen ! semble isolé à gauche, les positions des partis flamands et francophones se rencontrent sur bien des points.
Mais plus à droite que les francophones en général, les partis flamands subissent la pression de la N-VA, radicale sur les dossiers migratoires.

N-VA : ON VA VOIR CE QU’ON VA VOIR !

Les troupes de la N-VA ont déboulé en force au Parlement et comptent y faire entendre leur différence, même si leurs faibles connaissances techniques risquent de leur jouer des tours. « Le débat régional flamand a été dominé par les questions d’inburgering, constate Johan Leman, ancien directeur du Centre pour l’égalité des chances et chercheur à la KU Leuven.

Mais, en matière migratoire, j’ai surtout entendu des slogans politiques. Rien de concret, de technique, tenant compte des législations européennes et chiffré sous l’angle du nombre de personnes concernées. » En matière de regroupement familial, la N-VA veut interdire aux descendants de plus de 18 ans de rejoindre leurs parents en Belgique.

L’âge requis pour solliciter un visa de longue durée en cas de mariage endomixte serait de 21 ans (au lieu des 18 ans actuels). Le « regroupant » devrait disposer de ressources financières propres. Toute personne arrivée en Belgique par le biais du regroupement familial ne pourrait en amener une autre par le même canal. L’accès à la nationalitédevrait être beaucoup plus strict. La députée Sarah Smeyers a bloqué temporairement le travail de la commission des Naturalisations de la Chambre, en demandant une révision de ses critères, qu’elle juge laxistes.
Pour toute forme d’accès au territoire ou à la qualité de citoyen belge, la N-VA exige, en contradiction avec les règles européennes, la connaissance de la langue de la Région et non une des trois langues nationales. L’asile, selon Bart De Wever, doit être réservé aux « vrais demandeurs d’asile », et leur accueil aussi décourageant que possible. Bref, les seuls migrants bienvenus seraient ceux de l’Union européenne et quelques rares non-Européens qualifiés, permis de travail en main et connaissant, bien sûr, la langue de Vondel.

CD&V : RATTRAPER LE TEMPS PERDU

C’est une Anversoise d’origine marocaine, la députée Nahima Lanjri, qui est le fer de lance du CD&V contre les excès du regroupement familial, qui conduisent aux mariages forcés/arrangés ainsi qu’à un abus des systèmes sociaux. Le CD&V propose que le demandeur de regroupement dispose d’un logement suffisant, de revenus supérieurs de 120 % au revenu d’intégration social (CPAS) et que ces ressources proviennent du travail (et non d’allocations de chômage). La personne « regroupée » devrait subir une cure d’intégration.

Dans l’opposition sous la majorité arc-en-ciel qui a pondu, en 2000, la snel-Belgwet, le CD&V n’a eu de cesse de modifier cet accès à la nationalité. Si le Conseil d’Etat avait réagi plus rapidement sur l’avant-projet du ministre de la Justice Stefaan De Clerck (CD&V) et si le gouvernement Leterme II n’avait pas démissionné, ce serait chose faite. Nahima Lanjri et Catherine Fonck (CDH) ont déposé une proposition de loi commune qui en reprend globalement les termes : nécessité de sept années d’un séjour légal avant de prétendre à une déclaration de nationalité et cinq ans de séjour régulier (au lieu de trois ans) pour prétendre à une naturalisation. En matière d’asile, le CD&V considère, comme le PS, que les astreintes payées aux demandeurs d’asile sans toit, à la suite d’une décision de justice, devraient être versées à un fonds public utile à tous les candidats réfugiés politiques.

OPEN VLD : DURCISSEMENT DE TON

Par rapport aux accords noués sous Leterme II sur les thèmes migratoires, l’Open VLD a décidé de reprendre sa liberté et de déposer des propositions de loi plus sévères à la Chambre. Le député Herman De Croo s’est d’ailleurs lancé dans une tournée de conférences pour sensibiliser l’opinion publique au risque que l’immigration incontrôlée ferait courir à la cohésion sociale et à la sécurité du même nom. Comme l’Open VLD a été le plus rapide sur la balle au Parlement, ses propositions servent de base à la discussion, notamment en commissions de la Justice et des Naturalisations. Pour diminuer la pression migratoire, les libéraux flamands souhaitent que le regroupement familial soit rendu plus difficile.

Sur la question de l’accès à la nationalité, l’Open VLD plaide sans surprise pour une révision de la loi de 2000 (déclaration de nationalité). Sa députée Carine Van Cauter a déposé une proposition de loi visant à modifier les conditions relatives aux naturalisations accordées par la Chambre, en insistant sur l’intégration. L’asile est dans le viseur des libéraux flamands comme de la N-VA, alors que les autres partis flamands expliquent qu’il y a une « crise de l’accueil » mais non une « crise de l’asile ».

SP.A : ATTENTISME

Lorsque, en 1998, Johan Vande Lanotte a succédé à Louis Tobback comme ministre de l’Intérieur, après l’affaire Semira Adamu (du nom de la jeune femme nigériane étouffée par deux gendarmes lors d’une tentative d’expulsion), il passait pour un « dur » sur le plan migratoire. Aujourd’hui, le SP.A prend peu d’initiatives publiques, s’en tenant à l’accord de gouvernement noué avec ses partenaires sous Leterme II. Responsable de ces matières au Parlement, la députée Karin Temmerman soutient, en gros, les propositions du CD&V et du CDH en matière de regroupement familial et d’accès à la nationalité qui reprennent les termes de cet accord. Le SP.A se veut « constructif » et décidé à lutter « contre les abus ». Le SP.A juge la législation sur l’asile satisfaisante mais renvoie le gouvernement à ses responsabilités pour sa mise en oeuvre, y compris l’accueil des demandeurs d’asile.

THIERRY DENOËL ET MARIE-CÉCILE ROYEN

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