Le ministre wallon de l'Energie, Paul Furlan. © Belga

« Il faut un grand débat public wallon sur le climat »

C. Charlot

Quelque 142 mesures, un budget global de 2,5 milliards d’euros. Avec le plan Air-Climat-Energie (Pace), la Wallonie tient sa feuille de route pour atteindre ses objectifs en 2020 et 2030. Trop tard ? Le ministre de l’Energie, Paul Furlan (PS), s’en défend.

Sous cette législature, vous avez revu l’objectif de production d’énergie renouvelable à la baisse pour 2020. Parce qu’Ecolo était trop ambitieux pour la Wallonie ?

Ecolo a une vision assez dogmatique et universitaire. J’appelle cela la théorie du papier : on met en place des mécanismes qui fonctionnent très bien dans un laboratoire, mais pas sur le terrain. Cela s’est vu avec la tarification progressive et solidaire, ce système qui coûte plus cher que ce qu’il rapporte. Idem pour l’éolien : mon prédécesseur, Philippe Henry, est le ministre qui a installé le moins d’éoliennes sur le territoire. J’ai revu leurs objectifs à la baisse. Mais moi, je vais les réaliser.

Vu les conclusions de la dernière Conférence de Paris sur le climat (COP 21), la Wallonie n’a-t-elle pas manqué d’ambition pour 2030 ?

La transition énergétique doit être supportable pour le consommateur. Même si elle génère des économies sur le long terme, elle a un coût immédiat. Je ne veux pas qu’il y ait demain une « Furlan-taxe » de 100 euros par ménage, sous prétexte d’avoir voulu mettre des éoliennes partout (NDLR : en écho aux critiques autour de la « Turteltaxe » en Flandre, un « impôt vert » qui a fait tomber la ministre Open-VLD Annemie Turtelboom). Et puis, les Régions se répartissent un objectif fixé à l’échelle de la Belgique : si l’une d’elles en fait plus, les autres en feront moins. Toute contribution supplémentaire de la Wallonie à l’objectif 2030 se fera donc au détriment de ses consommateurs et à l’avantage des autres Régions. Il ne faudrait pas que l’on se retrouve dans une situation où l’électricité coûte ici 10 à 15 % plus cher qu’en Flandre, parce qu’elle dépendrait davantage de filières vertes et plus onéreuses.

Le gouvernement wallon a adopté, le 21 avril dernier, le Pace qui s’étend jusqu’en 2022. Quelles sont les mesures phares ?

Ce plan présente la stratégie wallonne pour atteindre les 13 % d’énergie renouvelable en 2020 et pour mettre en oeuvre le changement sociétal. Le grand principe à retenir pour les mesures de soutien, c’est la contractualisation. En fonction d’un certain nombre d’avantages ou de primes, les PME et les communes s’engageront à concrétiser des investissements économiseurs d’énergie, comme c’est déjà le cas pour les grandes entreprises. Nous allons aussi lancer une étude pour préparer la transition vers une économie bas-carbone. Des emplois vont se perdre, d’autres vont se créer et les étudiants, dans vingt vans, n’auront plus accès à certaines catégories d’emplois qu’ils trouvent aujourd’hui. Il faut anticiper ces changements.

Et la production d’énergie renouvelable ?

On connaît les problèmes de l’éolien en termes d’acceptabilité par la population. L’hydroélectricité est à sa capacité maximale en Wallonie. L’énergie photovoltaïque décentralisée engendre des coûts de réseau très importants. D’où l’importance d’un projet de biomasse en complément. L’objectif est de produire 200 mégawatts d’électricité via cette filière. Il pourra donc s’agir de plusieurs unités centralisées. Le cahier des charges vient d’être lancé.

Plusieurs études contestent la durabilité de la biomasse et pointent des coûts de production astronomiques.

Personnellement, la biomasse n’est pas un coup de coeur. C’est effectivement l’une des filières les plus chères de production d’énergie verte. Mais nous ne parviendrons pas à atteindre nos objectifs sans ces 200 mégawatts. Faire une croix sur la biomasse pour installer 400 éoliennes supplémentaires, c’est le type d’objectif que je ne veux pas me fixer, parce que je sais que c’est impossible.

Ce plan parle très peu du stockage de l’électricité. C’est pourtant un maillon essentiel, vu l’intermittence du photovoltaïque et de l’éolien.

Nous savons que les nouvelles technologies qui permettent de stocker de l’électricité à grande échelle ne sont pas encore mûres. Avec un stockage individuel à la Tesla (NDLR : grand concepteur de batteries domestiques et de véhicules électriques), tout le monde serait producteur, mais personne n’accepterait de payer les charges fixes du réseau. Ce n’est pas une solution. A ce stade, l’effort concernant le stockage doit donc se faire au niveau de la recherche, un autre axe majeur du Pace.

Les pouvoirs publics devront aussi participer à l’effort énergétique. De quelle manière ?

Nous avons dégagé une enveloppe de 13 millions d’euros, via un mécanisme de prêt à taux zéro aux gestionnaires de réseau de distribution, pour moderniser l’éclairage public, essentiellement communal. En matière de transport, outre un plan d’implantation de stations au gaz naturel et de bornes électriques en Wallonie, nous avons budgétisé 3 millions d’euros pour aider les communes à adapter leur parc de véhicules. Mais elles devront aussi montrer l’exemple dans leurs cahiers des charges. Il est impératif de consommer davantage wallon. Je ne vais pas me faire des amis en disant cela, mais il faut contraindre les communes à inclure des clauses environnementales et sociales. Sans cela, les bons élèves continueront à payer pour les mauvais.

L’autonomie communale est constitutionnellement intouchable. N’est-ce pas voué à l’échec ?

Dans bon nombre de cas, l’autonomie communale se transforme malheureusement en égoïsme communal. Il y a un moyen très simple de contraindre les communes qui ne jouent pas le jeu de la solidarité wallonne : c’est l’accès aux subsides. Si on ne peut rien leur imposer, on n’est pas obligé de les aider non plus.

Le parlement de Wallonie s’est peu prononcé sur le Pace. Signe d’une approbation ou d’un désintérêt ?

Je ne perçois pas, au MR, de colonne vertébrale durable. Le PTB défend une vision « café du commerce ». En revanche, Ecolo est censé s’intéresser à la question. On parle ici d’un changement sociétal majeur, et il n’y a pas de débat au parlement wallon. C’est tout à fait regrettable. Mais si les parlementaires ne s’en préoccupent pas à ce stade, ils auront l’occasion de le faire lors des évaluations du plan, qui auront lieu chaque année. Il faut un grand débat public wallon sur le climat. C’est pourquoi nous avons prévu un sommet wallon du climat au mois d’octobre. On y présentera le PACE à quelques semaines de la COP 22, qui se tiendra à Marrakech. Tout le monde aura l’occasion de réagir par rapport aux engagements de ce gouvernement.

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