Carl Devos

Honte à vous, dirigeants !

Carl Devos Politologue à l'Université de Gand

Le ministre des Affaires intérieures, Jan Jambon, n’est pas le bienvenu à l’inauguration du nouvel hôtel de police de Charleroi. C’est le bourgmestre de la ville, par ailleurs ministre-président wallon, Paul Magnette, qui en a décidé ainsi.

Plus important : ce représentant de la N-VA n’est pas le bienvenu dans le fief de ce ténor du PS. Plus pénible que ça, tu meurs. Ou alors, il faudrait que le bourgmestre Yvan Mayeur (PS) reproche au bourgmestre Bart De Wever (N-VA) d’avoir laissé les casseurs anversois descendre sur Bruxelles…

La politique n’est pas un club d’amis. Et tout n’y est pas tout noir ou tout blanc. Les responsabilités sont partagées. Mais dans tout pays « normal », le fait que le chef d’un gouvernement régional refuse, pour des raisons morales, d’accueillir un ministre fédéral provoquerait immanquablement un énorme incident politique. Et ce serait parfaitement logique. Pas en Belgique. Apparemment, nous sommes blasés.

Magnette conteste donc la légitimité d’une excellence fédérale sur le territoire wallon. Ce n’est pas du fédéralisme de coopération, c’est du fédéralisme conflictuel. Le modèle PS face au modèle N-VA : la bataille se poursuit.

Depuis la première offensive, lancée par Laurette Onkelinx avant même la déclaration gouvernementale, les relations entre la N-VA et le PS – les deux partis politiques dominants dans leur Communauté respective – n’ont cessé de se dégrader. La situation est moins anodine qu’il n’y paraît. Même involontairement, le risque augmente ainsi que les deux Communautés soient dressées l’une contre l’autre. Il est dès lors temps que les relations politiques professionnelles se normalisent, y compris au sein de chaque Communauté. Les hostilités et les tensions, surtout à l’intérieur du groupe des politiques francophones, doivent être apaisées d’urgence compte tenu des défis auxquels le pays est confronté.

Dans un pays u0022normalu0022, le fait que le chef d’un gouvernement régional refuse d’accueillir un ministre fédéral provoquerait un incident politique.

Bien entendu, les efforts doivent venir des deux côtés. Après l’investiture du gouvernement Di Rupo, la N-VA avait refusé le qualificatif de  » Premier ministre » au chef du gouvernement. C’était une réaction tout aussi puérile. Pour Paul Magnette, Jan Jambon n’est pas le bienvenu dans un lieu « où figurent des plaques en mémoire aux résistants, d’anciens policiers, d’anciens gendarmes qui se sont battus contre le nazisme », vu la banalisation de la collaboration par le ministre N-VA : Jambon avait estimé que les collaborateurs « avaient eu leurs raisons ». Peu importe pour Magnette que l’auteur de ces propos ait ensuite précisé sa pensée et condamné la collaboration, et que Bart De Wever en ait fait explicitement de même.

Le bourgmestre de Charleroi et ministre-président wallon est également choqué que De Wever ait qualifié alors l’indignation des francophones de « foutaises ». Des propos tout aussi déplacés. La sensibilité bien plus grande (et généralement sincère) des francophones et l’inquiétude que provoquent dans le sud du pays certaines déclarations des membres de la N-VA sont souvent mal interprétées au Nord. De Wever devrait donc se montrer plus compréhensif à l’égard de cette inquiétude francophone, par exemple en choisissant ses mots avec un peu plus de discernement. Parce que ce ne sont pas  » des foutaises ». Et parce que De Wever préside un parti de la majorité fédérale. Au nom de la stabilité fédérale, qui lui est chère également, le chef d’un tel parti doit éviter de faire grimper une communauté au rideau.

Reste que, parfois, on peut comprendre que le chef de la N-VA entende des « foutaises ». Comment qualifier autrement la critique d’Yvan Mayeur qui estime son collègue anversois responsable des débordements violents commis à Bruxelles par les dockers venus d’Anvers lors de la manifestation du 6 novembre dernier ? Espérons donc que ce triste spectacle cesse rapidement. Pour que nous n’ayons plus à penser ce que nous pensons actuellement : honte à vous, dirigeants !

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