Dans le quartier de la place Sainte-Catherine, les commerçants s'estiment particulièrement pénalisés par le plan Good Move. © belga image

Good Move (Bruxelles) : un bon plan mais mal planifié

Peut-on déjà sentir un effet des différentes mesures de Good Move sur la qualité de l’air, le trafic automobile, l’emploi ou le commerce? Trop tôt. Mais des tendances se dessinent. Et pas à sens unique.

Le plan Good Move, activé à la mi-août dans le Pentagone (Bruxelles intra-muros), ambitionne d’améliorer la sécurité et le cadre de vie des Bruxellois. Peut-on déjà en mesurer les fruits pour la qualité de l’air? «Trop tôt», estime Bruxelles Environnement, l’administration de l’environnement et de l’énergie en Région de Bruxelles-Capitale. Par contre, en matière de fluidité du trafic, entre le 12 septembre et le 12 octobre, sur les trajets internes au territoire bruxellois d’une durée de dix minutes, le retard moyen dû aux embouteillages s’élevait à deux minutes le matin (7-10 h) et 3,5 minutes le soir (15-19 h). Des chiffres en hausse par rapport à septembre 2021 (respectivement alors 1,3 et 2,5 minutes).

En outre, s’il n’a jamais été aussi rapide de se rendre aux abords de la Grand-Place en voiture, selon Olivier Willocx, CEO de Beci, la chambre de commerce de Bruxelles, «la mobilité sur la petite ceinture reste scandaleuse, note celui qui déplore un manque d’analyse et de vision d’ensemble dans la mise en œuvre du plan. Nous nous sommes battus pour que les camions puissent encore livrer les supermarchés dans le centre car l’accès leur a été interdit du jour au lendemain. Ici, il n’est pas question d’être provoiture ou provélo mais peut-on juste réfléchir aux conséquences qu’une telle mesure peut avoir? Augmenter considérablement le prix du stationnement affecte directement le citoyen, par exemple quand on doit faire appel à un dépanneur pour réparer un électroménager. Mais cela semble avoir échappé aux politiques…»

«Une plaisanterie!»

Commerçante dans la rue Sainte-Catherine, Marie Cooche n’a pas le permis de conduire et doit parfois prendre un taxi en urgence. «Vu les tours et détours pour me rendre aux Halles des Tanneurs, l’amélioration de la qualité de l’air grâce à Good Move est une plaisanterie! , s’insurge celle qui a ouvert, il y a six mois, la fromagerie Antoinette et Marguerite. Avant, je recevais mes livraisons à 10 heures. Aujourd’hui, à cause des embouteillages, c’est à midi, quand je suis en pleine préparation des sandwichs. J’entends beaucoup de gens d’Ixelles, Uccle, Dilbeek dire qu’ils ne viennent plus dans le centre car ils ne savent pas où se garer. Pourtant, un parking vient d’ouvrir en face de ma boutique mais aucune communication n’a été faite par la Ville! Idem pour le grand parking sous la nouvelle cité administrative. Je ne suis pas provoiture mais je ne trouve pas normal qu’on rende la vie impossible aux automobilistes. Les gens se déplaçant pour conduire leurs enfants à l’école, aller au travail, faire des courses… doivent pouvoir le faire.»

Thyl Van Gyzegem, chargé de mission chez Inter-Environnement Bruxelles, déplore, lui, que Good Move engendrera une «inégalité environnementale et sociale car les quartiers les plus pollués – notamment le “croissant pauvre” de Bruxelles – sont ceux dont les ménages comptent le moins de voitures et ceux qui seront aussi le plus touchés financièrement par la sortie du thermique. La Région devrait plutôt investir dans les transports en commun pour en rendre le maillage plus fin.»

Colère chez les commerçants

Quai aux briques, les commerces semblent encore plus affectés que place Sainte-Catherine. «J’ai acheté mon rez-de-chaussée il y a quinze ans et aujourd’hui j’enregistre 30% de perte de chiffre d’affaires, s’insurge Alexis Rodriguez, gérant de Dishes Factory, grossiste en matériel Horeca, né dans le quartier. Même si je suis loin d’être le seul ou le plus à plaindre.» Après avoir tenté de «sauver les meubles», il s’est résolu à jeter l’éponge: «Je compte louer mon magasin et acheter un nouveau dépôt du côté de Beersel car les clients ne veulent plus venir ici. Tous les deux ans, on nous met de nouveaux bâtons dans les roues. L’endroit va devenir un no man’s land commercial avec seulement des magasins alimentaires. Ça gronde dans les quartiers populaires mais ici aussi, ça va tourner aux émeutes. Les technocrates ne réfléchissent qu’à court terme pour s’assurer un avenir politique, sans aucune connaissance du sujet ni du terrain.»

Pour autant, Olivier Willocx affirme ne pas avoir «eu d’écho de rétropédalage de commerçants souhaitant s’installer dans le centre-ville. Les gens continuent à regarder le Pentagone avec beaucoup d’intérêt». Dans un entretien à La Libre, le 24 octobre, il affirmait faire «le pari que, demain, certaines des grosses entreprises qui ont quitté Bruxelles reviendront dans le centre. Simplement parce que cela reste la zone la plus accessible et que le schéma sans voiture devient quelque chose d’attirant».

Du côté des modes de transport privilégiés, «c’est plus le Covid qui semble avoir laissé des traces que Good Move qui aurait déjà porté ses fruits», souligne Inge Paemen, porte-parole de Bruxelles Mobilité. Les confinements ont permis d’observer une «hausse importante des déplacements à vélo et une baisse de ceux en transports en commun».

Ce qu’ils en disent

Bruno, 48 ans

Lien de cause à effet avec le plan Good Move? «Ma voiture de société thermique a été remplacée par un modèle électrique. Dans la circulation, c’est plus confortable. Depuis la mise en place du télétravail, mon horaire est aussi devenu plus élastique, j’arrive et je repars plus tard pour éviter les bouchons. Mais si j’essaie de laisser l’auto au garage le week-end au profit de la marche, je n’ai pas encore le réflexe des transports en commun pour mes déplacements vers le centre et ce malgré la mise en place du plan Good Move. La voiture me permet aussi de passer quelques appels téléphoniques. A vélo, ce serait plus compliqué.»

Ce qu’ils en disent

Sophie, 34 ans

«Je suis favorable à Good Move. La voiture devrait s’effacer au profit de la marche, du vélo, etc., pour la majorité des gens sauf pour les personnes à mobilité réduite et celles qui transportent du matériel… Mais cela devrait être une exception et non la tendance.»

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