Par sa lettre du 24 janvier, le prince Laurent a mis au jour un vrai scandale d'Etat. © FREDERIC SIERAKOWSKI/ISOPIX

Fonds libyens : 2020 décisif?

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Le prince Laurent a levé un fameux lièvre avec les fonds libyens gelés par l’ONU : deux milliards d’euros illégalement libérés par la Belgique… Malgré les investigations de la Chambre, le mystère reste entier.

Dans le dossier des fonds libyens, 2018 s’est terminé spectaculairement par la perquisition de la Trésorerie au SPF Finances par le juge Michel Claise. Et 2019 a démarré sur les chapeaux de roue avec la lettre pressante du prince Laurent adressée, le 24 janvier, au Premier ministre Michel et publiée par Le Vif/L’Express. Laurent se démène depuis des années pour récupérer les 50 millions d’euros que la Libye a été condamnée en 2014, par la justice belge, à verser à son ex-asbl écolo GSDT pour rupture de contrat. Dans leurs efforts pour récupérer l’argent, les avocats de l’asbl ont découvert que la Belgique avait libéré, en toute discrétion, les intérêts produits par les fonds libyens gelés chez Euroclear Bank, à Bruxelles.

Or, un gel international des avoirs libyens a été décrété par l’ONU en 2011, après la chute du régime Kadhafi, puis traduit en règlement UE. Après plainte déposée à Bruxelles par les avocats de GSDT, notamment pour blanchiment, le juge Claise a ordonné, en 2017, la saisie des 15 milliards bloqués chez Euroclear mais la banque s’y est opposée, en vertu d’une loi de 1999 rendant insaisissables les institutions de compensation, l’activité principale du holding Euroclear. La procédure est toujours pendante devant la chambre des mises en accusation de Bruxelles qui, extrêmement prudente, a voulu laisser le temps aux avocats d’Euroclear Bank de développer leurs arguments. Si, in fine, la saisie est accordée, ce sera un événement dans le monde financier.

Quant à la libération des intérêts des fonds gelés, le mystère n’est toujours pas éclairci, alors que l’Etat belge s’est fait solidement taper sur les doigts par l’ONU dont un panel d’experts a conclu, après enquête, que la décision belge contrevenait au régime de sanctions internationales. Pis : on ne sait pas exactement dans quelles mains ont finalement échoué les 2,07 milliards d’euros ainsi délivrés entre 2012 et 2017 par la Trésorerie, alors que le chaos règne toujours en Libye entre le gouvernement de Tripoli et les troupes du général Haftar. C’est, en réalité, un vrai scandale d’Etat qu’a mis au jour le prince Laurent.

A la Chambre, la commission des Finances s’est penchée sur l’affaire. Les auditions des acteurs concernés se sont succédé jusqu’en avril, peu avant les élections législatives. Résultat : du grand-guignol. Avec dans les rôles principaux : deux anciens ministres des Finances, le MR Didier Reynders (jusque décembre 2011), et le CD&V Steven Vanackere (de fin 2011 à mars 2013), qui se sont renvoyés la balle de la responsabilité politique du dégel ; mais aussi l’ancien patron de la Trésorerie, Marc Monbaliu, qui dit s’être appuyé sur un bref mail informel envoyé, le 24 octobre 2011, par un diplomate belge du Conseil européen, pour donner le feu vert à Euroclear Bank. Troublant aussi : Monbaliu a soutenu devant la Chambre n’avoir pas eu d’injonction politique, après avoir déclaré le contraire au Vif/L’Express.

Pour cause d’élections, la commission des Finances n’a pas été au bout de ses investigations. On en est resté là, avec la persistance d’une opacité suspecte dans ce  » Libyagate « . Gênant, surtout à l’égard de l’ONU. Mais 2020 pourrait être une année décisive. Le 21 janvier, la chambre des mises en accusation de Bruxelles entendra les plaidoiries des parties avant de se prononcer sur la saisie du juge Claise. Quant au prince Laurent et aux avocats de GSDT, ils espèrent avoir, enfin, un soutien du gouvernement pour faire appliquer la décision de justice de 2014 en leur faveur. Reste à éclaircir qui a décidé de dégeler les fonds libyens, en 2011. Et qui a touché les deux milliards libérés…

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