Thierry Fiorilli

Fonctionnaire, l’autre Win for Life

Thierry Fiorilli Journaliste

Le nombre de candidatures à des postes dans la fonction publique a augmenté de 17 % entre janvier et août de cette année, écrit ce lundi Le Soir, citant des chiffres fournis par le Selor, le bureau de sélection de l’administration fédérale.

Soit 87.000 personnes, dont 67 % de francophones, qui ont postulé pour devenir fonctionnaires, alors qu’il y avaient 4.127 places à pourvoir (soit une augmentation de l’offre de 36 %). Depuis 2008 et le début de la grande crise socio-économique toujours bien en cours, la ruée vers la Fonction publique n’a pas faibli, les rangs des candidats grossissant d’année en année. Or, dans le même temps pratiquement (depuis 2010), l’emploi total dans la Fonction publique fédérale a diminué (2 % annuellement, soit une perte de 10.000 unités entre 2008 et 2011) et, même si les nouvelles compétences attribuées aux Régions – et la tendance ne va faire que se renforcer – fait augmenter le nombre de fonctionnaires régionaux, la Belgique demeure ce pays où le volume global de fonctionnaires est estimé excessif : 432.000 fin juillet dernier. Ils étaient 370.000 en 1997.
Cet attrait massif pour un statut traditionnellement assez décrié – se faire traiter de « fonctionnaire », dans le privé, reste équivalent à être considéré comme paresseux, tricheur ou incompétent – répond évidemment à l’objectif de décrocher cette autre formule de Win for Life : un emploi pour toujours, une sécurité ultrasolide, alors que dans tant d’autres secteurs, on n’engage pas, ou alors à durée déterminée, ou à des conditions salariales peu reluisantes, quand on ne se limite pas à licencier à tire de bras ou au compte-gouttes. Tenter de devenir fonctionnaire est une réponse à la crise, donc.

C’est aussi un placement judicieux : d’après les estimations du Bureau du Plan, la pension des fonctionnaires doit augmenter de 20 % en moyenne grâce à la réforme des retraites, pour tous les départs à partir de 2017, révélaient cet été De Tijd et L’Echo. Si l’on prend le montant global des pensions, cela représentera une hausse de 2,33%. Par les temps qui courent, et même si le Fonds argenté (censé financer les pensions d’après-demain) est assez désargenté aujourd’hui, c’est plutôt une bonne nouvelle : emploi et pension assurés, c’est même quasiment un luxe.

C’est aussi de bon augure pour l’Ecole d’administration publique commune à la Région wallonne et à la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui a ouvert ses portes à Namur, cet automne. Elle propose aux fonctionnaires une formation « à la fois plus cohérente et plus solide », l’objectif étant « d’impulser une véritable culture du management public. Un peu à l’image de l’ENA en France », ose Marc Nihoul, président du Collège scientifique de la nouvelle école. Si le défi est relevé, tout profit pour les administrés francophones et wallons, pour l’efficacité de nos futures administrations et pour ceux qui, alors, en tant que fonctionnaires, pourront aussi rêver de « faire carrière », avec de réelles ambitions et un salaire à la hauteur. Peut-être que les patrons de certains secteurs privés, où on préfère raboter partout et viser bas plutôt que bien rétribuer les salariés et exiger de leur part l’excellence, s’en inspireront.

Thierry Fiorilli

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