Mourad Boucif

Être « à la marge », se battre contre cette lucidité et se délivrer de toutes ses chaînes de l’illusion…

Mourad Boucif cinéaste belge

Dans les années 20, le parti politique d’extrême droite fondé par Adolphe Hitler a enfanté le nazisme malgré l’Âge d’or de la culture allemande et ses nombreux philosophes qui ont marqué de nombreuses générations. L’histoire se répète et semble s’enliser dans un perpétuel recommencement.

Au coeur de l’Europe, en Belgique, au moment de sa prestation de serment, le secrétaire d’État à l’asile et à la migration (gouvernement fédéral) avait annoncé publiquement; « je vous garantis que je serai un secrétaire d’État dans l’intérêt de tous les habitants de ce pays et avec un grand respect pour chacun« .

La politique mise en place par ce gouvernement est ignoble, féroce et nous rappelle ces temps obscurs, voire apocalyptiques;

– Des listes d’enfants sont demandées aux associations de certaines communes bruxelloises…

– À l’égard de l’immigration, notre secrétaire d’État n’hésite pas à reprendre des propos xénophobes (« Grote kuis !! ») scandés par le parti d’extrême droite « Le Rex » créé, en 1936 et lié à l’idéologie nazie.

– Notre secrétaire d’État se vante publiquement de pouvoir fêter l’anniversaire de ses amis nazis.

– Des citoyens, vivant en Belgique depuis de nombreuses décennies, sont expulsés par des fonctionnaires d’une petite administration (l’office des étrangers) et ce, sans passer devant des juges.

– Nos enfants, voire nos petits bouts sont arrachés en pleine classe, déportés dans ces centres fermés et sont privés de leurs droits fondamentaux.

– Plusieurs réfugiés politiques ayant demandé l’asile sont expulsés violemment et renvoyés dans leur pays où ils sont torturés, assassinés.

– Les rafles dans nos foyers ont lieu sans mandats d’arrêt décernés par des magistrats, les personnes qui hébergent deviennent « des collabos » et seront jugées et sévèrement punis.

Au sommet de l’État, une parole se libère, une parole raciste vulgarise nos institutions, nos espaces publics.

Dans la Constitution belge, le texte stipule « que toute personne sans papier sur le territoire belge est considérée comme « criminelle ».

Cette loi gravée au début des années 70 a été pensée et écrite au même moment où des milliers, voire des dizaines de milliers d’Arabes, d’Africains, d’Orientaux, de musulmans…ont été ramenés pour reconstruire l’Europe juste après la guerre.

Plusieurs d’entre eux se retrouvent avec un état de santé très fragile dû à des conditions de travail plus que précaires. Aujourd’hui, certains n’arrivent pas à guérir et « crachent leurs poumons », nombre d’entre eux devaient descendre à moins de 100 mètres dans nos mines pour extraire notre charbon des entrailles de la Terre.

Durant les années 40, entre 3 000 000 et 3 500 000 hommes, voire jeunes hommes issus des colonies ont été réquisitionnés pour la plupart contre leur gré, pour nous défendre de la barbarie nazie.

Sans oublier l’effort de guerre avec toutes ces mamans, ces enfants qui travaillaient pour alimenter cette folie, voire cette grande tragédie humaine.

Une grande page de l’histoire qui n’a jamais été écrite et ce dans la plus grande indifférence.

Aujourd’hui, quand nos médias et politiciens européens abordent ces hommes et ces femmes « qui arrivent » de ces ex-colonies, ce n’est jamais avec un regard critique qui relie notre passé à l’histoire coloniale, à l’esclavage, aux guerres que nous provoquons, aux ressources que nous pillons et aux déséquilibres féroces que nous provoquons dans le monde…

En retour, la Belgique et de nombreux pays issus de l’Europe se retrouvent de plus en plus quadrillés par des dispositifs de lois qui discriminent, humilient, fragilisent, leurs ressortissants considérés de seconde zone malgré le fait que la plupart d’entre eux ont pris la nationalité du pays et contribuent à faire tourner leur économie.

Combien faudra-t-il de générations pour pouvoir être enfin reconnu à sa juste valeur et non vis-à-vis de son origine, de ses convictions, des liens avec l’actualité et de tous ces traitements médiatiques qui encouragent les stéréotypes, les clichés, les mensonges, la supercherie.

Pendant que les multimédias « nous chloroforment » et « nous bercent… », pas question de pousser à la réflexion, à l’engagement…

Bien au contraire, il faut focaliser l’attention en investissant des moyens colossaux afin d’occuper nos esprits, nos corps…

Meilleur filon le football, véritable exutoire parfaitement intégré à notre société et qu’il n’est pas question de critiquer médiatiquement.

En effet, « ce calmant » génère un sentiment d’union nationale, alors « qu’aiguiser les regards » risquerait de susciter chez chacun d’entre nous, un sentiment de révolte, un sentiment de classes sociales exploitées.

Il est préférable de se déchaîner à travers l’arbitre, les joueurs, l’entraîneur, les supporters…

Enfermer les peuples dans des Mondes d’illusions.

En parallèle et dès notre plus jeune âge, nos sphères de l’éducation sont transformées en mécanismes qui produisent des serviteurs du système. En clair, des hommes et des femmes qui ne doivent pas avoir d’autres soucis que de maintenir ce marché libre et auto régulé et qui assureront la bonne pérennité de cette machine à produire et multiplier les profits.

Comment avons pu en arriver là ?

Que nous est-il arrivé?

Qu’est-ce qui fait qu’aux quatre coins du monde, une poignée d’hommes, voire quelques seigneurs de l’argent et prédateurs du chaos puissent fasciner, envoûter, dévorer…

L’être humain est beaucoup trop fragile, vulnérable, et par crainte de se retrouver « seul avec lui-même » il préfère, voire a le besoin vital de se retrouver à travers un être fort qui occupe l’espace, dirige, oppresse, terrorise.

Depuis toujours, les gens ont aspiré à la liberté et se sont réjouis chaque fois qu’ils ont perdue.

L’ennui dans la liberté est l’une des exaspérations les plus importantes et les plus irritantes qui atteint l’homme: lorsque son être n’a pas d’intérieur, il essaie de se sauver par tout ce qui n’est pas lui. Même dans les régimes les plus oppressants.

Parmi toutes les valeurs auxquelles l’humanité s’est attachée, aucune ne « s’use » aussi vite que celle de la liberté. Voici donc naître chez les intellectuels de nos jours, une furie étrange de soumission, une nécessité d’aveuglement, une ivresse de l’infamie.

Personne ne veut plus être libre par crainte de se retrouver seul face à sa condition tragique.

Pour résister et survivre…

Exister et préserver cette réelle délivrance; il faut être « à la marge » se battre contre cette lucidité et se délivrer de toutes ses chaînes de l’illusion.

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