En Autriche, la tuerie de Graz soulève de nombreuses questions, dont celle de la motivation du tueur.

Tueries dans les écoles: en Belgique, 5% des élèves renvoyés ont agressé un enseignant

Ludivine Ponciau
Ludivine Ponciau Journaliste au Vif

Une fouille de sac qui dégénère en meurtre en France. Un ex-lycéen qui ouvre le feu sur les élèves et les enseignants de son ancienne école. Les violences commises dans le milieu scolaire sont en augmentation. En Belgique, 30% des exclusions des établissements scolaires ont pour motifs des faits de violence mais ceux qui visent les enseignants restent relativement rares.

Depuis le 10 juin, le nom d’Artur A., 21 ans, est associé à la plus grosse tuerie de masse de l’histoire moderne de l’Autriche. L’adolescent, qui s’est donné la mort dans les toilettes de l’établissement scolaire de Graz (sud-est de l’Autriche), laisse sur son passage dix morts, dont neuf âgés de 15 à 17 ans et onze blessés. Mercredi, ces derniers se trouvaient dans un état stable.

Ancien élève de l’école, Artur A. n’était pas connu des autorités. Il a ouvert le feu avec deux armes, qui, selon les autorités autrichiennes, étaient légalement en sa possession. Pour les obtenir, il avait dû se soumettre à un test psychologique. Aucun compte appartenant au jeune homme n’a été retrouvé sur les réseaux sociaux.

Lors d’une perquisition menée au domicile de l’assaillant présumé, les autorités ont mis la main sur une lettre d’explications, dans laquelle il dit avoir été victime de harcèlement. Une vidéo a également été laissée à l’adresse de ses parents, dans laquelle il leur fait ses adieux et annonce son projet de tuerie. Lorsque sa mère l’a visionnée, Artur A. se trouvait déjà dans l’école, l’arme à la main.

Le même jour, à un peu plus de 1.000 kilomètres de Graz, un autre élève a fait couler le sang dans l’enceinte de son école. Agé de 14 ans, le collégien a poignardé à mort Mélanie, une surveillante de 31 ans et maman d’un petit garçon, dans un collège de Haute-Marne. Les circonstances et les motivations du jeune ne sont pas encore très claires mais le crime, qui visait un membre du corps éducatif, rappelle fatalement les assassinats des enseignants français Samuel Paty en 2020 et Dominique Bernard en 2023.

L’adolescent qui a poignardé la surveillante a été placé en garde à vue. A ce stade, les raisons qui l’ont poussé à se jeter sur celle qui fouillait son sac restent inconnues. Mais, selon les témoignages de ses amis recueillis par la police, l’ado avait confié qu’il projetait de poignarder quelqu’un avant la fin de l’année. Il aurait également fait l’objet de signalements pour des accès de violences et pour avoir effectué des saluts nazis.

Exclus pour agressions

La récurrence de ces agressions envers le personnel des établissements scolaires et la violence juvénile qui s’exprime dans ces actes incensés interpellent. Le fait que ces jeunes puissent se procurer si facilement une arme, également. En Europe, les règlementations relatives à l’accès aux armes (y compris les couteaux) varient d’un pays à l’autre.

L’Autriche, par exemple, est l’un des Etats européens où le nombre d’armes à feu par personne est parmi les plus élevés. D’après l’enquête indépendante Small Arms Survey de 2018, on y compte près de 30 armes pour 100 habitants, un chiffre largement supérieur à celui observé en République tchèque ou en Hongrie.

Selon les chiffres relayés par la DH, les faits de détention d’armes constatés dans les écoles belges sont en augmentation. Ce motif concernait 2,2% des exclusions en 2013-2014 pour atteindre 6,32% l’année passée. Ainsi de 51 élèves exclus pour introduction ou détention d’arme blanche ou à feu, ils étaient 138 en 2023-2024. Soit quasi le triple.

Dans un rapport de la Fédération Wallonie-Bruxelles sur les exclusions dans l’enseignement fondamental et secondaire, ordinaire et spécialisé, il apparaît que 2.184 élèves ont fait l’objet de cette mesure au cours de l’année scolaire 2023-2024. 1.575 autres jeunes n’ont pas été autorisés à se réinscrire dans l’école qu’ils fréquentaient. Au total, 34,4% des élèves exclus l’ont été pour des violences physiques. 13,3% n’ont pas pu se réinscrire dans leur école pour le même motif.

Les violences physiques dirigées vers un membre du personnel ayant entraîné une incapacité de travail représentent près de 5,7% des exclusions et 1,4% des refus de réinscription; les insultes, pressions, injures, calomnies ou diffamations à l’encontre du personnel 18,5% des exclusions et 9,27% des refus de réinscription. Les garçons sont concernés par ces mesures dans plus de 80% des cas.

Un autre rapport livre cette fois des enseignements sur le ressenti des enseignants. Dans ce baromètre lancé à l’initiative de la ministre de l’Enseignement, Valérie Glatigny (MR), il apparaît que 78,6 % des enseignants se sentent toujours ou souvent respectés par l’apprenant. Cependant, les enseignants ayant répondu à l’enquête affirment avoir été confrontés à un manque de respect de la part d’un élève moins de cinq fois (31,5%), entre cinq et dix fois (24,1%) et plus de dix fois (39,4%) au cours des cinq dernières années.

Par ailleurs, les enseignants et directions déclarent se sentir respectés par leurs collègues et leur
hiérarchie. Cependant, ce ressenti diminue lorsqu’il s’agit des relations avec les élèves et les parents,
notamment en cas de contestation d’une décision pédagogique. Enfin, 62% des enseignants reconnaissent s’être déjà autocensurés.

Données générales pour les motifs d’exclusion et de refus de réinscription en Fédération Wallonie-Bruxelles. Les pourcentages ci-dessous indiquent la proportion d’élèves, parmi l’ensemble des élèves exclus ou refusés, auxquels est reproché le fait répréhensible déterminé.  © D.R

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