Distance, surcharge de travail, barrière linguistique: Bruxelles attire trop peu d’enseignants néerlandophones et en perd un grand nombre. Johan De Wilde, formateur en pédagogie, plaide pour une prime au logement.
La situation est critique: dans plus de 200 écoles, Bruxelles compte 440 classes sans enseignant, et 17 établissements ont dû, depuis le 1er septembre, passer à une semaine de quatre jours. «Pourquoi ne pas rendre l’enseignement à Bruxelles plus attrayant, avec un bonus ou une prime au logement?», s’interroge Johan De Wilde, formateur en pédagogie. Expert en innovation pédagogique à la Hogeschool Odisee, il collabore étroitement avec les écoles bruxelloises. «A Paris, un enseignant obtient parfois même un appartement via l’école. De telles mesures peuvent lever des obstacles comme le temps de trajet.»
Sven Gatz, membre du collège de la Commission communautaire flamande (Open VLD), défend depuis plusieurs années l’idée d’une «prime Bruxelles» pour attirer les enseignants flamands vers la capitale. Cette prime, déjà en vigueur pour les policiers, contribuerait selon lui à atténuer la pénurie.
Une école telle une île
Les trajets longue distance des enseignants flamands vers Bruxelles demeurent l’un des obstacles majeurs. «Les enseignants qui passent chaque soir plusieurs heures sur la route entretiennent peu de liens avec le cadre de vie des enfants et des parents, observe Johan De Wilde. Cela paraît artificiel: l’école accueille les enfants, mais personne n’y vit.»
Pour lui, un lien plus étroit et une relation de confiance entre enseignants et parents renforceraient l’ensemble du processus éducatif. «La confiance procure aux parents une tranquillité d’esprit, mais dans les quartiers où elle fait défaut, l’école ressemble à une île.»
«L’enseignement apporte aux enfants calme et structure, et, par extension, à leurs parents.»
La diversité n’est pas le problème
Dans une interview accordée à Humo, le président du CD&V Sammy Mahdi a comparé l’enseignement à Bruxelles à celui dispensé dans un camp de réfugiés, en raison de la multiplicité des langues. «En laissant les portes grandes ouvertes, toute la Flandre finira par ressembler à Bruxelles.»
Johan De Wilde comprend en partie cette comparaison, mais nuance. Ses étudiants doivent effectuer au moins un stage dans une grande ville, et Bruxelles constitue de loin le plus grand défi. «Dans des villes comme Alost ou Ninove, la diversité est comparable à celle de Bruxelles. Certaines écoles sont 100% multiculturelles. Les enfants parlent peut-être arabe, turc ou français à la maison, mais dans l’espace public, c’est le néerlandais qui domine et cela change tout.»
Il relève également un autre parallèle avec la déclaration de Sammy Mahdi. «Au cours de ma carrière précédente à l’Unesco, j’ai appris que les réfugiés veulent avant tout que leurs enfants puissent aller à l’école. L’enseignement apporte aux enfants calme et structure, et, par extension, à leurs parents.» Cette réalité s’est confirmée à l’école primaire Balder: à seulement 300 mètres de là, des réfugiés logeaient dans un hôtel et souhaitaient y inscrire leurs enfants. Mais le manque d’enseignants ne permettait plus d’accueillir de nouveaux élèves.
Un cercle vicieux
Selon Johan De Wilde, l’une des causes du taux élevé d’abandon chez les enseignants flamands à Bruxelles réside dans la politique menée. «Nous privilégions trop le recrutement de nouvelles forces, au lieu de soutenir et fidéliser les enseignants déjà en poste, constate-t-il. Un cercle vicieux se met alors en place: les nouveaux venus manquent de soutien, abandonnent et rendent la profession moins attrayante pour d’autres. Il faut donc investir dans l’accompagnement et la formation continue de ceux qui exercent déjà.»
Il fait également référence au nombre croissant de «passerelles» vers l’enseignement: six sur dix se retrouvent devant une classe sans posséder le diplôme requis. «La pression pour placer rapidement du personnel devant une classe est forte, mais ce ne sont pas seulement des bras dont nous avons besoin: il nous faut des enseignants formés.» Johan De Wilde plaide pour un meilleur accompagnement et une évaluation plus stricte de ces enseignants venus d’ailleurs. «Si l’on ne le fait pas, l’abandon est inévitable», conclut-il.
Par Dounya Vandamme