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Enseignement supérieur : la réforme du décret Paysage au coeur des débats

Stagiaire Le Vif

La réforme du décret Paysage a été adoptée jeudi dernier. Initialement promulgué en 2013, ce décret permettait aux étudiants d’avancer dans leur cursus en accumulant les crédits non obtenus les années précédentes. Quels changements pour les étudiants ?

En 2014 déjà, plus de 400 professeurs adressaient une lettre ouverte au ministre Marcourt, à l’origine de la réforme. Selon eux, le décret pousse à la déresponsabilisation des étudiants. Beaucoup sont admis dans le cycle supérieur en n’ayant pas totalement « réussi » leur année. L’accumulation des crédits à rattraper amenait souvent les étudiants à des études à rallonge.

C’est à cet allongement des études, coûteux pour les finances de la Communauté, que la ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny (MR) veut pallier. Avec la refonte du décret Paysage, elle souhaite « remettre à tout prix des balises » et favoriser l’obtention du diplôme par un plus grand nombre d’étudiants.

Désormais, il faudra obtenir l’ensemble des 60 crédits de sa première année pour passer à la suivante. De plus, l’étudiant disposera de deux ans maximum pour obtenir les 60 crédits du « bloc 1 » et de quatre ans pour atteindre les 120 crédits et de cinq ans pour obtenir son bachelier. En clair, le nombre d’années pour réussir un bachelier est limité.

Pour Lucas Van Molle, nouveau président de la Fédération des Étudiants Francophones (FEF), cette réforme aura pour conséquence d’exclure les élèves défavorisés de l’enseignement supérieur. En effet, en Belgique, plus d’un étudiant sur quatre doit travailler pour financer ses études. Le président de la FEF s’indigne « la réforme ne retirera pas les obstacles financiers et socio-culturels qui s’opposent à l’égalité des chances entre les étudiants.« 

Et pour ceux qui ne réussiraient pas ?

Le coût des études d’un étudiant est assumé en grande partie par un subside versé par la Communauté à l’établissement universitaire. C’est ce qui s’appelle être un « étudiant finançable ». Pour cela, il faut remplir des critères académiques et de nationalité.

Si un étudiant réussit 60 crédits et au moins 50 crédits du BAC 1 au terme de deux inscriptions, il pourrait tout de même rester finançable et s’inscrire une troisième fois dans la même filière, sous réserve de l’acceptation d’un jury. Ce jury pourra permettre à un étudiant qui aurait réussi moins de 30 crédits lors de sa première inscription, mais au moins 50 crédits au terme de sa deuxième inscription d’obtenir une 3e inscription dans la même filière.

Si ces deux assouplissements à la règle des 60 crédits en deux ans ne suffisent pas, la réorientation est la solution préconisée. L’étudiant bénéficiera alors d’une année supplémentaire pour sa finançabilité.

« Les aides à la réussite ont un rôle crucial à jouer pour soutenir les étudiants qui se retrouveraient en difficultés. C’est pourquoi les moyens financiers dédiés seront renforcés », déclare Valérie Glatigny.

89 millions d’euros au total – un montant augmenté de 6 millions d’euros – seront versés chaque année pour permettre la mise en place de dispositifs d’aide à la réussite. Le cabinet Glatigny insiste ; cette aide sera dirigée vers les étudiants dans le besoin. Lucas Van Molle (FEF) affirme que « ces aides ne trouvent pas leur cible, il faut repenser l’organisation ».

Le noeud du problème

Cette année, le nombre de nouveaux élèves inscrits a battu des records. C’est une bonne et mauvaise nouvelle pour l’enseignement supérieur. Ce retour à l’enseignement en présentiel était très attendu par l’ensemble de la communauté universitaire. Mais cette hausse des inscriptions promet d’être « un défi incroyable compte tenu du sous-financement chronique des universités » indique Annemie Schaus, rectrice de l’ULB, pour le journal l’Echo.

La crise du Covid-19 a accéléré la prise de conscience globale des difficultés rencontrées par les étudiants. Mais Lucas Van Molle est catégorique « Tant qu’on ne luttera pas profondément contre la précarité étudiante, on n’avancera pas ». Pour cela, la fédération demande la diminution du coût direct des études pour les étudiants en difficultés (coût du minerval, gratuité du matériel, etc.)

Mme Schaus souligne elle aussi, dans une interview pour la RTBF, le manque d’aide des pouvoirs publics. Elle espère « qu’il y aura moyen de trouver des moyens supplémentaires pour les universités ».

La réforme entrera en vigueur pour la rentrée de septembre 2022, et concerna seulement les nouveaux inscrits. Rien ne changera pour les élèves en cours de cycle.

Lola Buscemi

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