Carl Devos

Di Rupo Ier : la riposte à la N-VA est urgente

Carl Devos Politologue à l'Université de Gand

Si, en 2014, la N-VA progresse encore, l’agenda politique présentera des réformes structurelles dont les pistes actuelles ne seront que le pâle reflet.

Le traumatisme que la fermeture annoncée de Ford a produit en Flandre est comparable à celui provoqué par le retrait d’ArcelorMittal en Wallonie. La misère financière et économique est grande. Mais dans les deux cas il s’agit aussi d’un malheur psychologique. Ces fermetures dépassent le drame social vécu par les milliers de victimes directes. C’est une onde de choc qui traverse notre économie. Une de plus. Un énième cri d’alarme, une nouvelle invitation à nous pencher de toute urgence sur notre système socio-économique et à sauver notre Etat providence en danger. La question est de savoir si Ford et ArcelorMittal seront la goutte qui fera déborder le vase et incitera nos responsables politiques à agir plutôt qu’à se répandre en propos lénifiants.

A chaque grande fermeture, même scénario : les politiques font la queue pour présenter leurs sentiments de profonde sympathie, condamner la fermeture, s’adonner à des analyses pointues et faire de grandes déclarations solennelles : l’enfer est pavé de bonnes intentions. En réalité, on repasse aussitôt à l’ordre du jour : business as usual. L’impuissance à réformer en profondeur notre modèle économico-social est perceptible des deux côtés de la frontière linguistique. Si le sense of urgency peut différer de part et d’autre, le défaut de vision, de courage et de détermination est général. Mais les politiques ne peuvent être chargés de tous les péchés d’Israël. La « guerre » est collective, tous les niveaux de pouvoir, tous les centres de connaissance, les partenaires sociaux, la société civile y sont partie prenante. Il faut écraser la crise, le défaitisme, la désespérance, la décomposition.

Les raisons de cette inertie sont connues. La discorde politique et idéologique est la grande coupable. Mais, fondamentalement, notre système politique est paralysé par des procédures de concertation asphyxiantes et des processus décisionnels pesants. Il est quasi impossible de prendre les mesures énergiques qui s’imposent. Seules de molles et laborieuses interventions dans le complexe engrenage politique sont envisageables.

Dès lors que les nombreux licenciements ne sont pas dus uniquement à la mauvaise conjoncture, le budget fédéral devra dépasser le cadre du simple exercice comptable annuel quelque peu artificiel, respectueux des normes européennes. Le budget 2013 devra rendre justice à des réformes structurelles, si difficiles soient-elles à mettre en place. A priori, le recours à des douzièmes provisoires ne devrait pas être exclu au début de 2013. En revanche, une litanie de « one-shots » et des mesures à la manière du catalogue 3 Suisses sont à proscrire.

L’impossibilité de réaliser des réformes structurelles pèse sur Di Rupo Ier. Après un départ sur les chapeaux de roues, le gouvernement s’est évanoui. Depuis l’été déjà, il patiente dans la salle d’attente. Or le budget 2013 lui offre l’opportunité de se rattraper. S’il rate cette occasion, le danger est réel qu’il sombre dans l’immobilisme jusqu’en juin 2014.

Les communales nous ont appris que la progression de la N-VA n’est pas finie. L’appel de la « force du changement » séduit de nombreux Flamands. Si, en 2014, la N-VA fait mieux qu’en 2010, et que les partis flamands de la majorité continuent à perdre du terrain, il est à craindre que, sur l’agenda politique de 2014, seront inscrites des réformes structurelles dont les pistes actuelles ne seront que le pâle reflet. C’est maintenant que la riposte à la N-VA doit être donnée. Pas en 2014.

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