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Deuil de parents : « on se reconstruit, mais il y aura toujours un avant et un après »

Martine Donck est responsable de l’association « Parents désenfantés » où, dans l’esprit de solidarité, les parents ayant fait le deuil de leur enfant écoutent bénévolement d’autres parents en deuil dans des groupes de parole, des soirées d’échange et des balades « pour offrir à ces familles une présence et un soutien chaleureux ». Ce matin, elle a répondu aux questions des internautes sur le deuil.

Martine Donck est responsable de l’association « Parents désenfantés » où, dans l’esprit de solidarité, les parents ayant fait le deuil de leur enfant écoutent bénévolement d’autres parents en deuil dans des groupes de parole, des soirées d’échange et des balades « pour offrir à ces familles une présence et un soutien chaleureux ». Ce matin, elle a répondu aux questions des internautes sur le deuil.

[Christine] : L’hypermédiatisation d’un drame comme celui de Sierre est-elle un soutien ou une épreuve supplémentaire pour les parents dont l’enfant a été tué?
Martine Donck : Je crois en effet que c’est une épreuve très difficile pour les parents. Mais si la médiatisation se fait avec le respect, il ne faut pas oublier que notre enfant ne nous appartient pas, ils ont une « vie » en dehors de la famille. Je pense que nous sommes tous terriblement touchés, les enfants sont notre avenir, cela touche aussi l’enfant en nous.

[Philippe] : Les médias sont-ils indécents dans leur traitement de cette tragédie ? Jusqu’ici, je n’ai pas trouvé d’indécence à part le fait qu’on a peu mentionné les adultes victimes. Le commentaire qui m’a choquée est l’éventuel fait que le chauffeur du car aurait manipulé un DVD ou CD pendant qu’il roulait, qu’on respecte aussi ces morts-là et leurs familles.

[Luc] : Qu’une certaine presse se soit permis de publier les photos des enfants sans l’accord des parents ne vous choque-t-il pas ?
Oui, cela me choque qu’une certaine presse puisse se permettre de publier les photos des enfants mineurs sans l’accord des parents. Nous avons eu des expériences similaires qui ont tellement touché les familles qu’elles se sont totalement isolées et ont perdu leurs repères

[Jean] : Le deuil national, l’arrivée du gouvernement en Suisse, les condoléances du Pape, d’Obama, de Sarkozy, etc. rendent-ils la douleur des parents encore plus insupportable ?
Je pense que la reconnaissance de cette immense souffrance est importante pour les familles endeuillées. Il ne faut pas oublier aussi que des écoles entières sont concernées par cette perte, cela leur permettra aussi d’être reconnus et de pouvoir symboliser et ritualiser cette perte. Tout le monde est choqué ce sont des choses qui peuvent canaliser positivement la douleur.

[Rob] : Les parents qui ont perdu un enfant à Sierre en voudront-ils à ceux dont l’enfant a survécu ? Autrement dit, la colère, l’envie, peut-elle aider à faire le deuil ?
Il se peut que des parents en « veuillent » à ceux dont les enfants ont survécu, c’est en général une étape qui peut exprimer l’injustice, pourquoi mon enfant ? Mais en aucun cas cela ne va aider à faire un deuil, au contraire. Le contact avec les petits camarades de leurs enfants peut les aider à parler de leur enfant VIVANT. La colère n’est pas toujours destructrice sauf si elle peut être un passage, l’envie est destructrice.

[Martine] : « Pourquoi mon enfant ? » est la question à laquelle il n’y aura jamais de réponse. Comment font les parents endeuillés pour « gérer » cela ? C’est la question qui revient au début du drame, c’est là que les questions sur la vie et la mort commencent, la révolte qui s’ensuit « pourquoi pas moi » comme adulte j’ai déjà eu « ma vie », mon enfant avait encore tout à vivre, il est notre avenir….c’est EUX. C’est une étape importante du deuil, mais qui peut avancer vers autre chose.

[Victor] : Le deuil est-il plus difficile à faire pour les parents lorsque la mort de l’enfant arrive de façon brutale et accidentelle ? (Plutôt que lorsque l’enfant a été malade et que les parents ont pu se « préparer » au départ de l’enfant et lui dire au revoir).
Je pense que la mort brutale ajoute le « traumatisme » à ce deuil, certainement au début, car il reste toujours des zones d’ombres des circonstances exactes de l’accident, l’assassinat, le suicide.

[Frank] Vous, vous avez perdu un enfant ? Si oui, comment vivez-vous depuis ?
Oui, j’ai perdu un fils, Michaël, la vie a basculé à sa mort. Depuis cette grande remise en question, j’ai compris que pour moi il fallait que j’aille « vers les autres ». Pour moi la vie est une grande chaîne de solidarité. Je ne donne jamais de conseil, mais tous dans cette association, nous nous tenons debout.

[Ginette] : On se doute qu’aucun parent ne se remet jamais de la perte d’un enfant. Mais est-il possible de se reconstruire malgré tout et de recommencer à vivre ? L’exemple de Jean-Denis Lejeune est édifiant, je trouve. Par moment on se dit que cet homme a réussi à surmonter l’insurmontable et a redonné un nouveau sens à sa vie. Qu’en pensez-vous ? Oui, Jean-Denis Lejeune est un exemple, mais beaucoup de parents que nous rencontrerons ont aussi pu donner un autre tournant à leur vie, donné sens à « ce qui n’a pas de sens ». Je ne dirais pas qu’un parent ne se remet jamais de cette épreuve, je pense que l’on se reconstruit « autrement » de cette souffrance, c’est ce qu’on appelle « la résilience ». Mais cela met beaucoup de temps. Plus rien n’est comme « avant », il y a l’AVANT et l’APRES.

[Caroline] : En tant que soeur d’un frère décédé, je pense également au reste de la fratrie, qui est aux côtés de leurs parents en peine, mais qui ont leur propre peine, pas toujours reconnue. Comment sont-ils accompagnés ? existe-t-il des lieux d’aide pour eux ?
Oui, nous pensons aussi énormément aux frères et soeurs des enfants décédés. Ils perdent à la fois leurs parents qui ne seront plus jamais les mêmes et leur frère ou soeur sans qui certains n’ont jamais vécu. Ils se sentent vite investis de l’aide à leurs parents et on peut les oublier. L’enfant décédé prend toute la place et eux…dans tout cela. Nous avons des groupes de frères et soeurs à partir de 15 ans, pour les plus jeunes, de 5 à 12 ans, nous avons des groupes d’enfants en deuil, le groupe Tournesol. Il faut être très attentifs à ce deuil spécifique pour la fratrie

[Caroline Bis] : Doit-on refaire un enfant lorsqu’on a subi la mort d’un autre ? Si oui, ne risque-t-il pas d’être élevé, toute sa vie, dans le culte de son frère inconnu, mais mythifié ?
Je crois que chacun fait « comme il peut ». Mais penser qu’un autre enfant va pouvoir apaiser la souffrance de l’enfant décédé est un leurre. Le deuil risque d’être reporté et l’enfant né après la mort peut porter cette souffrance qui n’est pas la sienne. Il y a de nombreux exemples dans la littérature de destins brisés à cause de cette expérience douloureuse.

[Christophe] : Concrètement, que peut-on faire pour aider ces parents en deuil au jour le jour et dans le temps ? Faut-il les laisser seuls ou au contraire être plus présent que jamais ?
Pour aider les parents, une présence simple et discrète est importante, apporter des repas, du café, faire les courses et parfois faire des démarches avec eux . Mais toujours demander l’avis des parents concernés. S’ils ne veulent pas parler, un geste, un regard, un mot suffisent. Parfois les familles aiment rester entre elles.Ne pas avoir peur de ne pas trouver les mots, surtout les ÉCOUTER. Ne pas oublier aussi que des mois plus tard, ils auront encore besoin de présence, on oublie parfois, un deuil d’enfant dure plus qu’un an !

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