Tom Sauer

Désarmement nucléaire: La Belgique guère mieux que la Corée du Nord

Tom Sauer Tom Sauer est professeur en politique internationale à l'Université d'Anvers.

« La Corée du Nord n’est pas la seule à vouloir freiner l’interdiction des armes nucléaires. La Belgique aussi « , écrit Tom Sauer. « N’est-ce pas étrange pour un pays comme le nôtre, qui dit tenir les droits de l’homme en haute estime ? »

Alors que la majorité des pays du monde se prépare à démarrer des négociations multilatérales pour aboutir à une interdiction générale des armes nucléaires, la Corée du Nord et la Belgique figurent parmi une petite minorité de pays qui cherchent à freiner le processus. Heureusement, les processus décisionnels au sein des Nations Unies – un conseil qui va dans le sens d’un parlement mondial – sont suffisamment démocratiques pour qu’une petite minorité d’états pro armes nucléaires et leurs bichons n’arrivent pas à empêcher que ces négociations aboutissent.

La Corée du Nord et la Belgique freinent le processus de désarmément nucléaire

Le but est de donner un peu plus d’élan au débat sociétal et politique dans les états qui possèdent l’arme nucléaire. Si le reste du monde affirme que ces armes ne sont pas des armes légitimes ou même légales, il sera plus facile, au Royaume-Uni par exemple, pour les adeptes du désarmement nucléaire de remporter leur plaidoyer.

La lecture de ce premier paragraphe vous a probablement interpellé. Premièrement, vous ne saviez pas qu’une majorité de pays tente d’interdire définitivement les armes nucléaires. Il n’est pas impossible non plus que vous vous demandiez pourquoi vous ignorez tout de ce sujet.

Qu’il existe un rapport entre la position de notre gouvernement et le peu d’informations rapportées par les médias n’est qu’une hypothèse. Aujourd’hui, on pose trop peu de questions au gouvernement à propos des armes nucléaires sur notre territoire. Y en a-t-il, et pourquoi ? Notre pays oeuvre-t-il à abolir les armes nucléaires, comme le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), un traité international contraignant, le prescrit ? Pourquoi la politique de l’OTAN a-t-elle manifestement la priorité, même si cela prend le reste du monde en otage ? Quelles sont les conséquences si un accident se produit avec une des armes nucléaires (beaucoup plus puissantes que la bombe à Hiroshima) à Peer ? Quelles sont les conséquences pour vous et pour moi si ces armes sont effectivement utilisées, même si c’était à l’autre bout de la planète ? Pourquoi ces armes doivent-elles rester là si ce n’est pas pour les utiliser? Que vaut l’effet de dissuasion si on dit qu’elles ne peuvent de toute façon pas être utilisées ?

Pas de distinction entre les citoyens et les militaires

Vous avez certainement froncé les sourcils une seconde fois en lisant que la Belgique ne soutient pas cette idée d’interdiction des armes nucléaires. Vous aussi, vous pensiez que notre pays tenait les droits de l’homme en haute estime. Et que du coup l’utilisation d’armes nucléaires ne correspond pas au droit humanitaire international car celle-ci ne fait aucune distinction entre les citoyens et les militaires. Et que donc, par définition, la Belgique devrait être contre l’utilisation de ces armes de destruction massive ? D’ailleurs à l’époque, la Belgique n’était-elle pas à l’origine d’une interdiction des mines et des sous-munitions, qui sont pourtant beaucoup moins destructrices ? Et n’avons-nous pas commémoré la fin de la Première Guerre mondiale en grande pompe, et plus particulièrement l’utilisation d’armes chimiques, l’ypérite ?

Et notre pays ne porte-t-il pas de responsabilité particulière dans l’histoire du nucléaire étant donné que l’uranium de la bombe atomique lâchée sur Hiroshima venait du Congo belge ? Et tous les accords de gouvernement belges sont-ils des chiffons de papier, étant donné qu’il est mentionné chaque fois que les initiatives de désarmement – y compris nucléaires et certainement si elles sont multilatérales – sont accueillies favorablement et soutenues ?

Et en sachant tout cela, notre pays vote quand même contre ? Alors que les Pays-Bas, pourtant également membres de l’OTAN, s’abstiennent ? Si les Pays-Bas, la Norvège, et le Portugal, tous membres de l’OTAN, en sont capables, pourquoi pas nous, le plus brave de tous les peuples de la Gaule?

Bien entendu, pour savoir ce qu’il en est exactement, nous attendons une réponse du ministre des Affaires étrangères Didier Reynders. Quel journaliste aura le courage de poser cette question ? D’ici là, on continuera à lire notre journal qui nous explique que la Corée du Nord a effectué son cinquième essai nucléaire, qu’elle agrandit calmement son arsenal de fusées balistiques, et que les sanctions économiques sont inefficaces. Aujourd’hui, c’est Kim Jong Un le méchant. Demain, ce sera encore Vladimir Poutine. Et on verra bien ce qui se passera ensuite. Pourrait-on faire preuve d’un peu plus d’esprit critique, y compris pour la politique intérieure ?

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