1946, le gouvernement Van Acker II accueille quatre ministres communistes. Une action nullement révolutionnaire. © PHOTO NEWS

Des communistes au gouvernement en Belgique, ça s’est déjà vu

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

C’était il y a longtemps, à la Libération. Leurs ministres s’y sont comportés en braves soldats d’une politique de rigueur socio-économique. Ils vont y perdre leur popularité, leur âme et le pouvoir.

Cinq participations gouvernementales, trente mois de présence au pouvoir de septembre 1944 à mars 1947. Joli palmarès communiste, décroché au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Auréolés de leur rôle dans la Résistance, les Rouges ont la cote. Ils captent 12,5 % des voix, et plus de 20 % des suffrages rien qu’en Wallonie, aux élections de février 1946. Ce succès historique leur permet de placer jusqu’à quatre ministres sur les dix-neuf de l’équipe Van Acker II. Le bout de route des communistes en compagnie des socialistes et des libéraux vire au chemin de croix. José Gotovitch, spécialiste de l’histoire du communisme en Belgique, revient sur cette expérience unique et peu concluante.

 » Les communistes espéraient décrocher des postes régaliens au sein du gouvernement : Justice, Intérieur, Instruction publique… Mais ils se retrouvent cantonnés aux Travaux publics, au Ravitaillement, à la Reconstruction et à la Santé publique. Autrement dit, dans des portefeuilles ingrats, politiquement peu rémunérateurs, et qui vont les amener à prendre des mesures hautement impopulaires.

La « Bataille du charbon », engagée par le gouvernement dirigé par le socialiste Achille Van Acker, exige de se battre et de se mobiliser pour produire, donc de discipliner les travailleurs. Les ministres communistes se comportent alors en braves soldats et en honnêtes exécutants d’une politique de rigueur qu’ils assument. Ils font preuve de poigne dans la politique de maîtrise des prix, ils vont jusqu’à interdire les grèves… Et finissent par se mettre à dos paysans et ouvriers.

José Gotovitch (ULB), spécialiste de l'histoire du communisme belge.
José Gotovitch (ULB), spécialiste de l’histoire du communisme belge.© CHRISTOPHE KETELS/BELGAIMAGE

Inexpérimentés, sans relais au sein des administrations, dépourvus de techniciens pour les assister, ils sont victimes des crocs-en-jambe de la part de leurs partenaires de coalition qui font tout pour saboter leur action et les neutraliser en leur coupant en partie les moyens. Les communistes sont conscients de ce jeu de dupes, d’être victimes d’un mélange de diabolisation et d’apprivoisement.

A aucun moment, ils n’ont ambitionné une prise de pouvoir mais uniquement une participation au pouvoir. Ils veulent sincèrement oeuvrer au redressement du pays en jouant l’entente démocratique. Ils espèrent que cette politique leur procurera la dignité nationale qui fera d’eux une force politique permanente dans la Belgique libérée.

Cette participation au pouvoir, au lieu de propulser les communistes, les rend prisonniers du renouveau national en cours. Elle coupe dès lors leur élan et les déconsidère dans une espérance révolutionnaire. Le début de la guerre froide donne le signal de leur isolement. Leur liquidation politique est d’autant plus facile à réaliser que les communistes, avec le temps, ont perdu le halo gagné au cours de la guerre. Ils sortent volontairement du gouvernement à la mi-mars 1947, sans avoir pu marquer de leur empreinte leur passage au pouvoir.  »

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