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Décès de Jacques Rogge, dernier belge à avoir régné sur le Comité international olympique

Le dernier Belge à avoir régné sur l’olympisme, Jacques Rogge, est décédé ce dimanche 29 août à l’âge de 79 ans.

Chirurgien, professeur, skipper, rugbyman, l’homme avait eu plusieurs vies avant d’atteindre le sommet du Comité international olympique (CIO), à qui il a redonné une image morale en le présidant pendant 12 ans, entre 2001 et 2013. Une expérience qui, si elle ne lui a pas toujours apporté du plaisir, aura été « définitivement excitante ». Il était marié et père de deux enfants.

Né le 2 mai 1942 à Gand, Jacques Rogge entreprend, après des études de médecine à l’Université de Gand, une spécialisation en chirurgie et en médecine du sport. Il travaille comme chirurgien orthopédique et est également chargé de cours dans les universités UGent et ULB.

Mais Jacques Rogge ne s’intéresse pas au sport que par l’effet qu’il a sur ses patients, il est lui-même un athlète accompli. Il s’adonne à la voile dès le plus jeune âge, et représente d’ailleurs la Belgique à trois reprises aux Jeux olympiques. S’il ne ramène pas de médaille des Jeux de Mexico (68), Munich (72) ou Montréal (76), il sera tout de même sacré champion du monde et deux fois vice-champion du monde. En Belgique, il domine la discipline à 16 reprises.

Sur terre, Jacques Rogge s’illustre aussi avec le ballon ovale et est sélectionné à 10 reprises dans l’équipe nationale de rugby à XV. Il occupe au long de sa vie des postes de premier plan dans les fédérations nationales et internationales de ses deux sports fétiches.

De 1976 à 1988, il est membre de la délégation olympique des Jeux d’Hiver (Innsbruck, Calgary) et d’Eté (Moscou, Los Angeles, Séoul).

Le Gantois devient en 1981 vice-président du Comité olympique interfédéral belge (COIB), dont il prendra la présidence huit ans plus tard. Il s’y maintiendra jusqu’en 1992, un an après son entrée au sein du CIO. C’est aussi cette année-là qu’il sera fait Chevalier par le roi Baudouin.

Désormais dans l’instance suprême, il occupe différentes fonctions avant d’être nommé président de la Commission de coordination des Jeux de Sydney en 1995 et d’Athènes en 1998. Des jeux particulièrement exposés et jugés réussis qui auront mis son travail en lumière et probablement dégagé la route jusqu’au trône de l’olympisme.

C’est d’ailleurs avec un statut de favori qu’il remporte la succession de Juan Antonio Samaranch, au terme de deux tours, avec 59 voix en sa faveur sur les 110 exprimées le 16 juillet 2001 à Moscou. Il fait alors de la Belgique le seul pays de l’Histoire à accéder deux fois aux rênes de l’instance suprême, après les mandats du comte Henri de Baillet-Latour (1925-1942). Un an après son élection, Jacques Rogge est anobli par Albert II en 2002. Il sera aussi fait Grand officier de l’ordre de Léopold en 2012 et recevra la Grand-croix de l’ordre de la Couronne en 2013.

Le Gantois s’attèle à remettre la maison olympique en ordre, deux ans après le scandale de l’achat des JO de Salt Lake City. Face aux affaires de dopage, il fait de la « tolérance zéro » son crédo et contribue à réduire le sentiment d’impunité en multipliant les médailles retirées, même des années plus tard. Il veut également mettre fin à la course au « toujours plus grand » en limitant les JO d’été à 28 sports et le nombre d’athlètes à 10.500. Il se démarque aussi de son prédécesseur, le népotique Samaranch, en demandant de dormir au plus proche des athlètes, dans le village olympique et non dans des hôtels de luxe.

Jacques Rogge consacre également son énergie à orienter le mouvement olympique vers la jeune génération grâce aux Jeux olympiques de la jeunesse (JOJ), dont la première édition s’est tenue à Singapour en 2010. Il avait déjà été à l’initiative du festival olympique de la jeunesse européenne (Foje), qui a vécu sa première expérience à Bruxelles en 1991.

Réélu sans opposant en 2009 pour un second mandat de quatre ans, Jacques Rogge aura siégé 12 ans au sommet de l’Olympe. Il transmettra le flambeau à l’Allemand Thomas Bach fin 2013.

De ces années passées à Lausanne, Jacques Rogge dressera un bilan satisfait. « J’ai fait mon devoir, j’ai fait ce que j’avais à faire. » Il transmet à son successeur une maison assainie et bien opulente; étant parvenu à sécuriser les partenariats très lucratifs conclus sous l’ère précédente, son trésor de guerre est estimé à 683,5 millions d’euros à son départ.

« Il faut trouver une unité dans 204 comités nationaux olympiques, 35 fédérations internationales, près de 130 grandes compagnies de télévision, 15 sponsors … Alors tout ce brassage de directions culturelles, religieuses et linguistiques différentes requiert le sens du compromis et celui de la diplomatie« , expliquait-il. Deux qualités que le monde reconnaîtra sans hésitation au polyglotte belge.

Jacques Rogge n’aura jamais fait du CIO un organe politique. « Ne demandez pas au CIO d’obtenir la paix sur Terre », déclarait-il notamment au début de son mandat. Il traversera plusieurs crises politiques, notamment celle concernant la situation du Tibet avant Pékin 2008, refusa de rendre hommage aux 11 athlètes israéliens tués lors des JO de Munich. Il se prononce également contre un boycott de la délégation syrienne alors que le pays sombre dans le chaos de la guerre. « Le sport ne peut réussir ce que les Nations unies n’arrivent pas à faire », justifiera-t-il. Sur la Russie et l’adoption de lois homophobes, le Gantois rappellera que « la Russie est un Etat souverain (…) et que nous ne sommes que des invités dans un pays qui organise les Jeux ».

Il laisse tout de même une trace géopolitique d’importance: en attribuant les JO 2016 à Rio, il offre au continent sud-américain ses premiers Jeux.

En quittant la présidence en décembre 2013, Jacques Rogge est fait président d’honneur du CIO. Il s’interdit par contre désormais de donner son opinion, ne voulant pas « être la belle-mère de son successeur ». Il préfère se voir en « drivingpa« , soit le grand-père qui conduit ses petits-enfants à l’école. Il se réjouit aussi de pouvoir « s’asseoir tranquillement dans son canapé et regarder du sport à la télévision ».

Le monde lui rend alors hommage. Il reçoit, en vrac, un award pour l’ensemble de sa carrière par l’association des comités olympiques nationaux, le prix du président de la Fifa à « une personnalité remarquable du sport », la médaille d’or de l’académie flamande des Arts et des Sciences. Il est aussi nommé par Ban Ki-Moon comme envoyé spécial de l’Onu pour les jeunes réfugiés et le sport, Chevalier commandant de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges par la Couronne britannique, président honoraire du COIB. Devenu comte en 2002, il reçoit en 2013 la Grand-croix de l’ordre de la Couronne belge. Dès 2014, son nom fait aussi référence à la plus haute récompense en voile belge, le Fellow of Jacques Rogge.

Plus récemment, en février 2017, il reçoit l’Ordre paralympique, soit la plus haute reconnaissance à ceux qui ont contribué au développement du mouvement paralympique. « J’espère que les Jeux paralympiques vont encore évoluer. Les gens doivent avoir davantage de respect pour les athlètes paralympiques, mais cela va venir », espérait-il. En juin de la même année, il décide – pour raisons personnelles – de ne pas reconduire son mandat d’envoyé spécial de l’Onu.

Le monde du sport pleure un passionné

« Jacques était avant tout un passionné de sport qui aimait être au contact des athlètes, une passion qu’il a transmise à tous ceux qui l’ont connu. Sa joie dans le sport était communicative », indique Thomas Bach. « Ce fut un président accompli, qui contribua à moderniser et à transformer le CIO », poursuit l’Allemand.

Thomas Bach, président du CIO.
Thomas Bach, président du CIO.© AFP/Martin Bureau

« Il restera tout particulièrement dans les mémoires pour avoir encouragé la pratique du sport chez les jeunes et avoir créé les Jeux Olympiques de la Jeunesse. Ce fut également un fervent défenseur du sport propre et il lutta sans relâche contre le fléau du dopage. ». « Comme nous avons été élus ensemble membres du CIO, nous avons partagé un merveilleux lien d’amitié, qui s’est poursuivi jusqu’à ses derniers jours, alors que le Mouvement olympique tout entier et moi-même pouvions encore bénéficier de sa contribution, notamment au sein du conseil de la Fondation Olympique pour la Culture et le Patrimoine. », conclut Thomas Bach.

Pierre-Olivier Beckers
Pierre-Olivier Beckers

« La plus grande noblesse de Jacques Rogge a été son humanité », a réagi Pierre-Olivier Beckers, président du COIB (Comité olympique et interfédéral belge) et membre du CIO (Comité international olympique), à la suite du décès de Jacques Rogge, ancien président du CIO et du COIB, décédé à l’âge de 79 ans.

« Malgré les immenses responsabilités qu’il a longtemps portées, il a gardé un grand sens de l’autre », a indiqué Pierre-Olivier Beckers à Belga. « Sa discrétion et sa gentillesse étaient appréciées de tous. Son grand sens éthique et sa volonté immuable de défendre les valeurs olympiques donnaient confiance. Sa passion pour le sport et les athlètes est restée intacte jusqu’au bout. Il y a à peine quinze jours, il nous envoyait un message de félicitations pour les magnifiques performances de Team Belgium. Un homme aux ailes de géant nous a quittés! ». Jacques Rogge a été président du COIB de 1989 à 1992 et du CIO de 2001 à 2013.

Le monde politique rend hommage à cet « homo universalis »

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« Repose en paix Jacques Rogge. Sportif remarquable, gardien du fair-play, homo universalis. Soutien à sa famille et ses amis », a écrit sur Twitter le Premier ministre Alexander de Croo à la suite du décès de l’ancien président du Comité international olympique, décédé à l’âge de 79 ans.

La famille royale s’est ainsi dite « très attristée » par la mort de celui qui avait été anobli comte en 2002 par Albert II. Le Gantois polyglotte, lui-même athlète accompli, avait aussi été fait Grand officier de l’ordre de Léopold en 2012 et reçu la Grand-croix de l’ordre de la Couronne en 2013.

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« Un grand homme du sport belge et de l’olympisme nous a quittés. Nos pensées vont à sa famille et à ses amis », conclut le message du Palais, qui est accompagné d’une photo représentant Jacques Rogge aux côtés du roi Philippe. Jacques Rogge a été président du COIB de 1989 à 1992 et du CIO de 2001 à 2013.

La ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden a également salué un homme dont « l’héritage restera dans les mémoires de nombreuses générations d’athlètes. »

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« La famille olympique est en deuil ce soir. Jacques Rogge aura encouragé des milliers de jeunes à faire du sport, et son combat contre le dopage restera dans nos mémoires. Toutes nos condoléances à sa famille », a pour sa part souligné dimanche la ministre des Sports en Fédération Wallonie-Bruxelles, Valérie Glatigny. Jacques Rogge « a changé le monde olympique à jamais », a encore estimé le ministre flamand des Sports Ben Weyts.

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